Pérennité des microfermes maraîchères : retour sur 3 ans de travail dans le Morbihan
Depuis quelques années, les projets d’installation en maraîchage bio sur petite surface foisonnent mais les références (notamment technico-économiques) manquent : quelle réalité technique ? Quels résultats économiques ? Quels impacts de la faible mécanisation sur la pénibilité du travail ? Retour sur 3 ans de suivi dans le cadre du groupe AEP morbihannais « pérennité des microfermes maraîchères ».
De 2021 à 2024, le GAB 56 a accompagné une quinzaine de microfermes maraîchères dans le cadre d’un groupe Agriculture Ecologiquement Performante (financé par la région Bretagne). Face aux nombreux projets d’installation et au peu de références disponibles sur ce sujet, l’enjeu était d’étudier la pérennité de ces nouveaux modèles. Le groupe a choisi d’approfondir 3 thèmes : la densification des cultures, la pénibilité du travail et les résultats technico-économiques.
Au-delà d’une définition de la microferme maraîchère par sa surface cultivée, les membres du groupe considèrent que ce terme inclut les producteurs·trices qui se reconnaissent dedans. Dans les faits, les microfermes du groupe :
- Partagent la volonté d’avoir des cultures densifiées, maîtriser le temps de travail, limiter les investissements et les charges ;
- Sont conduites sur une petite surface cultivée : autour de 0,5 ha / UTH (contre plutôt 1 ha / UTH pour des fermes maraîchères « classiques »).
Sur les 3 ans du projet, une vingtaine de rencontres collectives ont eu lieu (visites de ferme, formations, voyage d’étude…), complétées par des suivis individuels (notamment sur les essais de densification et l’ergonomie) et une veille bibliographique.
Essais de densification / technique
Au vu de la surface cultivée plus faible que dans d’autres fermes maraîchères, la question de la densification se pose, mais elle en amène d’autres : moindre aération des cultures entrainant une sensibilité accrue aux maladies, moindre mécanisation possible.
Plusieurs microfermes du groupe ont ainsi mené des essais en suivant notamment le temps de travail et le rendement de la culture. Finalement, la conclusion va parfois à la dé-densification, quand la SAU de la ferme le permet.
Pénibilité du travail
Les microfermes étant en moyenne moins mécanisées que d’autres fermes maraîchères, la question de la pénibilité du travail se pose particulièrement. Le tableau ci-dessous récapitule les principaux facteurs de pénibilité au travail cités par les producteurs·trices enquêté·e·s au début du projet.
Retour sur l’enquête pénibilité au travail dans les microfermes maraîchères. 2021. GAB 56.
Un suivi a été mené par un ostéopathe, passé 2 fois sur chacune des fermes pour analyser les postures ou aménagements problématiques et proposer des solutions. Une routine d’échauffements et d’étirements a été proposée, ainsi que des aménagements spécifiques à chacune des fermes : station de lavage, zone de préparation des commandes.
Au fil des visites de fermes et rencontres avec les partenaires, un lien a été fait avec la MSA pour la prise en charge de matériel permettant d’améliorer l’ergonomie du travail. Ainsi, plusieurs maraîchers·ères ont fait le choix d’investir – entre autres – dans une brouette électrique.
Enfin, n’oublions pas que la pénibilité peut être physique mais aussi mentale. Le groupe a permis à plusieurs membres d’y trouver un appui moral et technique, via les rencontres régulières organisées (notamment en saison).
Résultats technico-économiques
Une des demandes des microfermes était de pouvoir étudier leurs résultats technico-économiques. Une première analyse des comptabilités a donc été réalisée, ce qui a permis aux fermes de se comparer entre elles, et d’identifier les principaux postes de dépense pour chacune. Les résultats sont à prendre avec du recul, car plusieurs fermes du groupe étaient dans leurs premières années d’installation : les résultats ne sont donc pas tous comparables et le travail sera à poursuivre hors phase d’installation.
On peut relever quelques données :
- Volonté partagée de maîtriser le temps de travail (objectif 5 semaines de vacances / an atteint par plusieurs fermes du groupe) : voir ci-dessous le graphique récapitulant les temps de travail moyens sur l’année 2022 pour 5 fermes du groupe.
Suivi du temps de travail annuel pour 5 microfermes du groupe. 2023, analyse des résultats technico-économiques de l’année 2022. GAB 56.
- Le CA des fermes étudiées est autour de 25 000€/UTH, ce qui est cohérent pour des jeunes fermes en création (1 à 3 ans pour la plupart). A voir comment il évolue par la suite.
- Un objectif commun : se rémunérer au SMIC horaire. 1 seule ferme atteint cet objectif pour l’instant (certaines personnes se rémunèrent au SMIC mais avec un temps de travail plus important, ou inversement limitent leur temps de travail à 35h/semaine mais ne se rémunèrent pas à hauteur du SMIC). Sur les fermes étudiées, le revenu disponible varie de 7700 à 15200€/exploitant/an.
- Des pistes d’amélioration : difficile de réduire les charges qui sont globalement peu élevées, réflexion à avoir sur l’optimisation des points de vente.
Conclusion : atouts, points de vigilance et perspectives
A l’issue des 3 ans du groupe, les maraîcher·e·s confirment les atouts de leurs modèles :
- Une diversité des activités stimulante intellectuellement
- Respect des valeurs personnelles des producteurs·trices
- Une mécanisation limitée
- Un modèle adapté à la vente directe, notamment en termes d’image
- Un accès au foncier relativement plus simple
Malgré tout, il convient de garder à l’esprit un certain nombre de points de vigilance avant de se lancer dans ce type de projet d’installation :
- Ne pas sous-estimer la surface nécessaire : à titre d’exemple, la SAU des fermes du groupe varie de 1,5 à 3 ha (il est important de prendre en compte cette approche globale et pas uniquement la surface cultivée en légumes car les chemins et bâtiments sont autant d’aménagements indispensables à l’activité)
- Ne pas sous-dimensionner les investissements nécessaires. Notamment, investir dans du matériel adapté (ergonomie…)
- Se former avant l’installation : le système microferme demande d’être très technique dans la planification et le suivi de ses cultures, avec un droit à l’erreur limité au vu de la faible surface cultivée.
Les revenus actuels des microfermes sont assez faibles, ce qui s’explique en partie par leur installation récente. Il est prévu de poursuivre un travail sur les résultats technico-économiques pour les affiner :
- Suivi sur plusieurs années pour voir s’il y a une évolution
- Jeunes fermes: l’expérience permettrait d’améliorer les résultats ?
- Jeunes fermes : la montée en puissance de la production et de la commercialisation va se faire au fil du temps.
Pour des résultats plus détaillés, vous pouvez consulter la vidéo bilan de l’AEP ainsi que les dossiers techniques joints.
Article rédigé par Lison Grand, GAB 56