Mesures de biosécurité et pratiques des éleveurs de volailles en circuits courts

Publié le : 3 juillet 2017

Biosécurité : quels sont les points de blocages pour les éleveurs avicoles de Lorraine en circuits courts ?

Face aux nombreuses inquiétudes soulevées par la mise en place des mesures de biosécurité dans les élevages de volailles bio en circuits courts, il semble utile de faire l’état des lieux des difficultés posées par ces mesures afin de mieux comprendre quels sont les blocages que cette réglementation provoque dans nos petits élevages de plein air bio, quelles sont les mesures les plus difficiles à mettre en place et quelles sont celles qui semblent incompatibles, en l’état, avec le fonctionnement de ces exploitations.

Le CGA de Lorraine a réalisé une enquête auprès des éleveurs de volailles de plein air et bio, à laquelle un peu plus d’une vingtaine de participants a répondu. Les réponses des participants permettent de mieux comprendre les difficultés que la mise en place de ces mesures peut poser sur le terrain dans les élevages en circuits courts. Voici la synthèse des réponses.

© CGA Lorraine

Mise en place de SAS par unité de production

Cela semble faisable pour 30% des éleveurs interrogés et difficile pour la moitié d’entre eux. Pour certains, la configuration du site complique, voire rend impossible, la mise en place d’un sas. L’accueil du public risque aussi de devenir plus complexe et pourrait même être remis en cause, l’image de l’élevage pouvant en être affectée.

Ce n’est pas la mesure qui pose le plus de difficulté, excepté pour les fermes qui accueillent du public. Par rapport à cette mesure, il importe de rappeler qu’il n’est pas nécessaire de mettre en place un sas par bâtiment, mais par unité de production, qui peut inclure plusieurs bâtiments et parcours.

Contrat d’équarrissage

Étant donné le faible taux de mortalité, un contrat d’équarrissage ne semble pas justifié pour les petites unités d’élevage. 50 % des éleveurs interrogés le refusent.

Procédure de dératisation et de désinfection

La moitié des éleveurs interrogés estime inacceptable de devoir mettre en place une procédure de dératisation ou un contrat (chimique) hors chat (aucun animal domestique n’étant toléré dans l’unité de production en-dehors des chiens de travail) et une procédure de désinfection. Ces éleveurs dénoncent l’incohérence qu’il y aurait à produire en bio par conviction et à être obligé d’employer des produits chimiques pour dératiser leur exploitation.

« Disperser du poison aux quatre coins de ma ferme est inimaginable. »

« Si je fais le choix de produire en bio et sur de petits lots, c’est pour vivre en harmonie avec la nature. »

Protocole de nettoyage et de désinfection des bâtiments

Ce type de procédures est déjà en place chez certains éleveurs. Pour les autres, la principale inquiétude concerne la perte de l’équilibre bactériologique qu’ils cherchent à avoir dans leur élevage. Pour rappel, le cahier des charges AB mentionne le nettoyage des bâtiments pendant le vide sanitaire et la désinfection n’est pas obligatoire.

Gestion des effluents et eaux de lavage

Les procédures de gestion des eaux de lavage lors du nettoyage, de la désinfection des bâtiments et de l’aire de stationnement et du lavage des véhicules entrant sur la ferme sont celles qui inquiètent le plus les éleveurs interrogés (60 % la refusent). La gestion des eaux de lavage semble particulièrement compliquée en cas de bâtiments mobiles. Dans ce contexte, la litière des bâtiments comprise comme éponge au nettoyage semble l’aménagement à cette mesure le plus logique.

La plupart des éleveurs s’inquiètent également de devoir créer une aire de lavage stabilisée pour les véhicules, notamment à cause des investissements que cela impliquerait.

Aire stabilisée ou bétonnée pour l’enlèvement du bac d’équarrissage et aux abords des poulaillers

Si certains éleveurs interrogés estiment faisable de créer une aire stabilisée pour l’équarrissage, la majorité des éleveurs jugent cette mesure inacceptable, en particulier pour les abords des poulaillers mobiles.

Pas de mélange entre palmipèdes et gallinacés

Plus de la moitié des éleveurs interrogés jugent cette mesure acceptable. En effet, les différentes espèces peuvent toujours être produites au sein d’une même exploitation mais dans des unités de production différentes. Des difficultés résident pour les toutes petites exploitations diversifiées, dont l’activité, ou du moins la présence de certains ateliers, risque alors d’être remise en cause.

Gestion des flux et délimitation des zones publiques et professionnelles

Les mesures concernant la gestion des flux (animaux, matériels, véhicules, personnel…) et la délimitation des zones dans l’espace (zone publique, zone professionnelle, unités de production) divisent les éleveurs interrogés. En fonction de la configuration des élevages, les schémas de circulation et de gestion des flux sont plus ou moins faciles à définir. Les inquiétudes restantes concernent la matérialisation de cette délimitation, le cas des sites coupés par des voies communales, les fermes en vente directe avec plusieurs unités de production sur un espace morcelé… La réalisation d’un schéma de circulation ou d’organisation de la ferme ne correspond pas toujours à la réalité des petites fermes diversifiées.

Accueil du public sur la ferme

Il s’agit d’éviter l’entrée dans les unités de production, qui reste possible en passant par le sas avec une tenue adéquate. Cette mesure risque de poser de véritables difficultés pour l’organisation de portes-ouvertes à la ferme et pour l’accueil réalisé par les fermes pédagogiques. Les éleveurs en circuits courts interrogés évoquent notamment leur souci de transparence vis-à-vis de leur clientèle (en particulier en AMAP), leur souhait de montrer au public ou aux scolaires leur manière de travailler, ainsi que la difficulté que va représenter la gestion de nombreuses visites avec toutes les tenues jetables qu’elles vont nécessiter.

En conclusion

Les mesures de biosécurité telles qu’elles sont actuellement imposées engendrent de réelles difficultés de mise en œuvre dans les élevages diversifiés et en circuits courts. Ces difficultés diffèrent selon le système et son niveau de complexité, et sont plus ou moins applicables en fonction de la configuration des lieux.

Les petits élevages diversifiés et la vente directe sont particulièrement importants dans la filière biologique : la pérennité et l’équilibre financier de ces structures ne doivent pas être menacés par des mesures qui s’avèreraient inadaptées à leur fonctionnement.

De plus, au-delà des contraintes qu’implique la mise en place de ces mesures dans les élevages en circuits courts, leur efficacité dans ces systèmes étroitement liés à leur environnement, en particulier dans les élevages en autarcie, n’est pas prouvée. La biosécurité doit donc être raisonnée différemment selon le type d’élevage.

Il s’agit de trouver des solutions, avec bon sens et pragmatisme, qui permettront de renforcer la sécurité sanitaire des filières avicoles et d’éviter de nouvelles crises, telles que celle de l’Influenza aviaire, sans remettre en cause l’existence des petits élevages de volailles bio, qui, par ailleurs, sont fortement plébiscités par les consommateurs.

Pour aller plus loin

  • Site du ministère : textes officiels
  • Site de l’ITAVI : fiches techniques
  • « Une mouette est morte à l’Assemblée nationale ! » de Michel Gauthier-Clerc, aux éditions Buchet/Chastel Écologie