Les vins oranges, témoignage du Domaine Finot

Publié le : 3 septembre 2020

En vinification, il existe deux types de vinification de vins tranquilles classiquement dites en rouge, avec macération pelliculaire ou en blanc avec pressurage direct. Puis il y a les variantes : des cépages rouges vinifiés en blanc donnent les rosés (ou éventuellement des blancs de noir) et des cépages blancs vinifiés en rouge donnent les vins orange moins connus.

Au Domaine Finot, il y a deux activités : un domaine qui produit des raisins et les vinifie en bio avec une mise en valeur des cépages autochtones de la vallée du Grésivaudan, telles la Verdesse, l’Etraire de la Dhuy mais également à côté de ça, pour joindre les deux bouts du fait de la jeunesse du domaine et de parcelles non encore productives, une activité de négoce.

Sous l’enseigne Finot Frères, l’activité permet de vinifier un peu plus de volume et agrandir la gamme avec des vins proposés notamment sous le nom Cuvée Tracteur, grâce à des raisins achetés localement à des vignerons travaillant au plus proche des techniques bio, mais pas forcément certifiés.

« L’idéal maintenant que j’ai récupéré un peu plus de vignes et que mes plantations sont entrées en production serait de réduire l’activité de négoce et la faire passer en bio également » me confie Thomas Finot. « Mon souhait était de travailler en bio –ce qui est fait avec la partie Domaine- mais sans cette activité de négoce qui m’a permis d’apporter de l’eau au moulin, je crois que je n’en serai pas là actuellement. Elle m’a vraiment permis de développer mon domaine et de faire perdurer l’activité. » C’est dans cette gamme qu’est apparu le vin orange au Domaine Finot grâce à l’impulsion d’Audrey Chauchon, sa compagne.

L’opportunité se transformant en nouvelle gamme

« En 2014, nous avons eu un petit lot de Jacquère, environ 150kg, récolté relativement tard mais qui était joli, précise Thomas. Je ne savais pas trop quoi en faire. Audrey m’a suggéré qu’on se teste sur un vin de macération. »

« Cette technique est issue de la technique traditionnelle des vin géorgiens en kvevri (grosses amphores enterrées) », précise Audrey. Les plus anciens kevri datent de 6000 ans avant notre ère.

« Nous avons mis les raisins à macérer dans un petit garde vin, puis pressé. Nous avons eu de bons retours. Nous l’avons mis en bouteille de façon artisanale, nous n’étions pas habitué à traiter d’aussi petits volumes (140 bouteilles tirées). Après ce premier essai et une demande grandissante, les volumes ont augmenté pour être autour des 600L actuellement. »

Technique en cave

En pratique les raisins sont mis à macérer et fermenter dans une cuve à chapeau flottant pendant trois mois. « Certains collègues font ce travail en amphore, signale Thomas. Chez nous, avec la Jacquère, une partie est égrappée et une partie en grappe entière (entre 20 et 30%), en technique « sandwich », soit une couche de grappe entière, une couche égrappée, une couche de grappe entière, etc…. Sur mes cuvées tracteurs, travaillées sur des raisins que je n’ai pas produits, je me garde les même principes de vinification que pour ceux du Domaine en Bio. Je reste maître aussi de la qualité des raisins que je rentre, en allant les vendanger avec mon équipe à la date que j’ai choisie. La fermentation se fait spontanément avec des levures indigènes. La fermentation malolactique est faite, comme pour les vins rouges. Selon les millésimes, elle se déroule après pressurage ou pendant la macération.  La presse est effectuée en général avant les fêtes et ensuite, j’entonne pour un élevage entre 12 et 18 mois. Puis le vin est mis en bouteilles sans filtration. Les vins sont vinifiés sans sulfites et l’ajustement à la mise se fait en fonction du millésime. Sur vins finis, je tourne autour des 10 mg de SO2 total. » La particularité de ces types de vins est d’être globalement dans la famille des vins blancs mais non dépourvus de tanins ce qui en fait des vins très particuliers. A l’aveugle, ces vins peuvent être facilement confondus avec des vins rouges. Ce sont des vins de niches, faits en petits volumes sur lesquels on peut se permettre des tarifs plus élevés. Faire ce type de vins, à forte valeur ajoutée n’est pas sans risque. « Il m’est arrivé, une année de ne pas mettre en bouteille, admet Thomas. La cuvée avait eu une montée de volatile cumulé à un défaut olfactif, acétate d’éthyl. »

La cuvée 2018 a été mise en bouteille en décembre 2019. « Nous avons choisi le jour de tirage en fonction du calendrier lunaire. » Avec le cépage Jacquère, au niveau couleur, on n’est pas dans le plus typique des vins oranges mais on prend une belle teinte légèrement ambrée. Pour 2019, Audrey et Thomas poursuivent les expériences avec deux cuves de blanc en macération : Jacquère toujours et Verdesse, cépage emblématique du Grésivaudan.

D’autres exemples de vins oranges

Le Domaine Giachino (Chapareillan, 38), a réalisé, quelques années avant Thomas, un vin de macération de Jacquère, la cuvée Marius et Simone. Ici, la fermentation se fait en grappes entières pendant 20 jours. Ensuite l’élevage se fait en fût sur lies totales pendant 10 mois sans sulfite. Tirage direct sans filtration.

Patrice Beguet (Domaine Hughes Beguet, Jura) réalise aussi un vin orange à base de Savagnin, Orange was the color of her Dress. Ici la macération est beaucoup plus longue avec une macération fermentaire de 8 mois tout égrappé, puis un élevage de 9 en cuve inox (75%) et fûts (25%).

Xavier Weisskopf (Le Rocher des Violettes, Montlouis) réalise un vin orange à base de Chenin. La fermentation est réalisée en grappes entières en fûts ouverts pendant 16 jours, puis après pressurage, la fermentation du moût se poursuit fait dans les mêmes fûts, cette fois fermés afin de terminer les sucres puis la fermentation malolactique suit facilement, aucun sulfite n’étant ajouté.

Article rédigé et propos recueillis par Arnaud FURET , ADABio et initialement paru dans La Luciole n°26