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L’agroforesterie est une pratique qui fait beaucoup parler d’elle. Quels sont ses principes ? Peut-elle trouver sa place en viticulture ? Retour sur son intérêt et les principes à retenir pour la mettre en application à la vigne.
Plus que la juxtaposition d’une culture donnée avec des arbres, le principe de l’agroforesterie repose sur un équilibre entre trois pôles : l’arbre, l’animal et la culture.
Ces systèmes peuvent impliquer aussi bien des cultures de légumes, des grandes culturesou des petits fruits.
Pour la partie arborée, différentes essences sont possibles en fonction des objectifs : bois d’œuvre, arbre fourrager, arbre fruitier, truffier ou encore haie champêtre.
L’animal entre en interaction avec les autres composantes : des ovins pour réguler la strate champêtre, des volailles contre le salissement de la vigne ou du verger, ou encore des abeilles pour la pollinisation des productions.
De nombreuses combinaisons sont possibles. Il s’agit de favoriser les interactions bénéfiques entre ces trois pôles afin d’optimiser le fonctionnement de l’écosystème et in fine réduire les interventions humaines. Amélioration de la fertilité du sol, gain de matière organique[1], diminution de la pression des ravageurs font partie des nombreux objectifs recherchés. Qu’en est-il pour la culture viticole ?
[1] Pour plus d’informations, voir le projet P.I.R.A.T. (Hérault), et les essais en Charente Maritime : sur des céréales agroforestières, en 30 ans, gain de 40% en Carbone et 30% en azote pour 38% de MO en plus dans le sol (CASDAR Agroforesterie)
Dans le Beaujolais, un vigneron bio, Bernard Vallette, s’est lancé dans un projet agroforestier après une formation avec l’association Grappe3. Il commente :
« C’est un projet qui me tient à cœur de longue date. Nous avions déjà mis en place des fleurs depuis de nombreuses années. La canicule de 2015 les a un peu rendues discrètes mais nous allons renouveler. Nous avons déjà planté 27 arbres fruitiers à pépins et à noyaux en 2015. Début janvier 2016, nous plantons des haies, pour 650m de long. Nous sommes en bonne configuration planétaire pour cela et en jour fruit. À l’automne-hiver prochain, nous reprendrons la plantation de haies et d’arbres truffiers (chênes et noisetiers) ». Le vigneron précise le but de ces plantations : « On va ainsi diversifier le paysage, tant dans ses formes que dans ses couleurs, et favoriser des espèces qui permettent de nourrir tout au long de l’année la faune et la faire revenir dans les vignes […]. On peut rajouter à cela un peu de consommation familiale pour les fruitiers et également un effet coupe-vent… On se cherche plein de bonnes raisons mais je crois qu’avant tout, je fais ça parce que ça me fait plaisir. A l’époque de mes grands-parents, il y avait des arbres partout puis on a tout retiré pour la mécanisation. Là on se projette dans l’avenir, d’ici 2 à 3 ans, on installera aussi des ruches… Et la vie est belle ! ».
Pour les arbres, dans le cadre d’une culture agroforestière en association avec de la vigne, on privilégiera des essences tardives (aulnes, noyers, frênes) afin que la demande de l’arbre et la demande de la vigne ne soient pas en concurrence. L’arbre est un bon régulateur thermique. Un vigneron alsacien a ainsi planté des merisiers et des robiniers afin de retarder la maturation de ses raisins et garder de la fraîcheur à ses vins.
Un deuxième objectif de l’agroforesterie est de diminuer la pression des ravageurs : tordeuses, cicadelles, acariens, melcalfa. Les arbres permettent d’améliorer la lutte biologique par conservation ou amélioration de l’habitat.
Avec de la complantation en cormier et pin par exemple, on augmente la présence de phytoseides, favorable à la régulation des acariens ravageurs.
Les oiseaux insectivores, tels la mésange et le rouge-queue, sont également favorables à la régulation des insectes ravageurs. Si on note une trop forte proportion d’oiseaux frugivores (merles, grives), il faudra prévoir de créer ou favoriser l’habitat des rapaces.
Les chiroptères (chauves-souris) sont de sérieux alliés dans la lutte biologique puisqu’ils mangent 10 fois leur poids en insecte chaque nuit. Les arbres sont précieux pour servir de repère dans leur maillage radar, et il faut leur conserver un habitat à proximité des cultures (caves, combles, gîtes à chauve-souris).
Le pôle animal est plus complexe à mettre en place pour un vigneron, mais il peut être introduit via un accord avec des éleveurs locaux pour le pâturage de leurs troupeaux sur les parcelles à des moments précis. Par exemple, Christian Vigne, vigneron dans le Gard, a prévu une parcelle de prairie arborée pour accueillir les moutons d’un éleveur installé par l’association Grappe3, qui pâtureront en période non-végétative dans ses vignes.
Mettre en place des systèmes agroforestiers dans les vignes demande de repenser la configuration des systèmes viticoles en profondeur. Des vignerons commencent à introduire certains éléments : passage de moutons dans les vignes2 ou plantation d’arbres. Ces évolutions prendront du temps mais elles permettront d’améliorer la résilience des systèmes biologiques. Attention toutefois à la façon de déclarer ces surfaces par rapport aux douanes et aux syndicats d’appellations… il faut parfois déclarer les différentes strates, arbres et vignes, séparément.
Article réalisé par Arnaud FURET de l’ADABio, Mickael OLIVON de l’ARDAB et Diane Pellequer de la FNAB.
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