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Depuis quelques années maintenant, le Réseau Semences Paysannes s’est emparé de la notion de « Communs » pour caractériser les semences paysannes (SP), et les collectifs qui les font vivre. Ce cadre est une source d’inspiration pour inventer de nouveaux espaces en dehors du cadre institutionnel étatique et de celui du marché, et un moyen pour reconnaître la dimension collective du travail sur les semences paysannes. Les membres du RSP jalonnent, en commun, ce parti-pris.
Depuis quelques années maintenant, le Réseau Semences Paysannes s’est emparé de la notion de « Communs » pour caractériser les semences paysannes (SP), et les collectifs qui les font vivre. Ce cadre est une source d’inspiration pour inventer de nouveaux espaces en dehors du cadre institutionnel étatique et de celui du marché, et un moyen pour reconnaître la dimension collective du travail sur les semences paysannes. Les membres du RSP jalonnent, en commun, ce parti-pris.
Les semences paysannes comme un Commun
Les semences subissent en effet d’une part des logiques d’appropriation par le secteur privé, d’autre part des mécanismes d’industrialisation niant le vivant. Brevets et COV, OGM, hybridations forcées, nouveaux OGM et OGM cachés, autant de procédés techniques ou juridiques permettant aux multinationales semencières d’établir un quasi monopôle sur les semences qui seront proposées aux agriculteur.trice.s. Dans ce paysage, les semences paysannes dénotent. Libres de droit, adaptables, hétérogènes, et surtout auto-produites et au sein d’un collectif, elles nous invitent à remettre au goût du jour le bon sens : faire avec la nature, et laisser les semences entre les mains des paysan.ne.s. Les paysan.ne.s et jardinier.ère.s du Réseau et leurs collectifs permettent de réfléchir les semences paysannes comme un « Commun », loin des logiques agro-industrielles. En effet, selon la définition courante, un Commun est une ressource gérée de façon collective par une communauté. A l’échelle locale, les praticien.ne.s des semences paysannes peuvent se regrouper en collectifs, appelés « Maisons des Semences Paysannes ». Ce sont des organisations permettant la gestion de la biodiversité cultivée : des règles, plus ou moins formalisées, sont établies pour accompagner la circulation des semences, des savoirs et savoir-faire associés. Ces collectifs, aux architectures diverses, soutiennent ainsi l’autonomie de ceux.celles qui cultivent et la biodiversité dans les champs et jardins. Les semences sont un Commun un peu particulier : la ressource est ici tant matérielle, l’objet-semence, qu’immatérielle, les savoirs, savoir-faire associés. Les semences articulent le naturel et le social, le pragmatique et le sensible.
Le Commun sensible
La semence, ce n’est pas qu’une ressource qui circule. La semence, c’est une histoire qui lui est propre, ce sont des émotions et des sensibilités qu’elle suscite chez celui.celle qui la transmet, et celui.celle qui la reçoit. Nos membres le disent bien, une semence, ce n’est pas qu’un objet que l’on sème, c’est un héritage vivant, dynamique, appelé à co-évoluer avec les hommes, les terroirs, les sols, les plantes, les animaux. C’est un récit, une narration qui se construit à la fois dans les champs et dans les échanges entre humains. Les circulations des semences paysannes, pour qu’elles soient paysannes, ne sont pas de simples transactions commerciales. Elles font lien entre les êtres, humains et non-humains, entre les sensibilités.
Faire commun : la charte éthique du RSP
Depuis plusieurs années déjà, le RSP conçoit ainsi les semences comme un commun. Ce travail déborde la simple caractérisation des semences et de leur gestion. Dans une perspective de réflexivité, les membres du RSP se sont aussi engagés dans un travail sur comment mieux faire commun, collectivement. La piste explorée est celle de l’horizontalité du Réseau, pour mieux partager la gouvernance de ce réseau de collectifs de gestion de la biodiversité cultivée. L’une des étapes de ce processus a été de travailler sur ce qui fait « commun » pour les membres du réseau, ce qui rassemble, la bannière partagée et portée par tous sous laquelle chaque membre peut ajouter ses propres couleurs. Ce travail, issu d’une co-construction par les membres, est double : d’une part faire un état des lieux de ce qui rassemble les membres, et d’autre part faire advenir cette conception commune. On se rapproche ici de la vision du Commun portée par certain.e.s sociologues tels que Joëlle Zask[1], travaillant sur la participation et la démocratie. Ce qui fait commun dans un collectif est dynamique, mouvant, sujet d’adaptations, de négociations, et d’évolutions, vivant donc. Dans ce commun, les individus s’inscrivent dans le collectif par un triptyque d’actions : prendre part, contribuer et bénéficier. La Charte éthique du réseau, votée lors de l’AG 2019, résultat de la participation des membres, en est l’exemple. Cette charte détaille les trois éléments au fondement du Réseau et de la participation de ses membres : i) la relation au vivant portée par le principe de « faire avec la nature » plutôt que de la manipuler ou la dominer, de respect de sa diversité ii) échange et partage collectif qui rappelle la nécessité de faire ensemble, pour acquérir savoirs et savoir-faire associés au SP, et respecter la diversité des modes de faire, iii) l’approche des communs, comme autre voie à l’appropriation industrielle des semences paysannes. La charte permet aussi de faire un état des lieux des engagements des membres, à la fois au sein du RSP (solidarité, partage, convivialité, respect de l’objet social, intelligence collective) et des engagements sociaux et écologiques plus larges (développement et diffusion des SP dans un esprit de co-évolution, regard critique du cadre industriel et de la propriété, faire vivre les SP comme des communs dans son collectif, favoriser l’autonomie des paysan.ne.s et autres praticien.ne.s, et enfin respecter et favoriser la diversité du vivant, plantes cultivées, sauvages, animaux, microbiotes…).
Dans cette charte, valeurs, engagements, et sensibilités s’expriment pour faire commun au sein du Réseau Semences Paysannes. Bonne lecture !
[1]Zask Joëlle, Participer – Essai sur les formes démocratiques de la participation, Le Bord de l’eau, 2011
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