Moutardier, Sanve ou Ravenelle ?

Publié le : 17 décembre 2019

Les sanves, les moutardiers et les ravenelles sont des adventices de la famille des Brassicacées qu’on retrouve parfois nombreuses dans les cultures. On les confond parfois, alors comment les reconnaître et surtout, comment lutter contre ?

CONNAITRE LES PLANTES
Pour bien lutter contre les adventices, on dit souvent qu’il faut commencer à connaître leur biologie. Le Sanve est un synonyme de moutardier ou moutarde des champs, son nom est Sinapis arvensis. C’est une annuelle présente dans tous les types de sols et levant toute l’année avec une préférence pour le printemps. En Mayenne, elle gêne pourtant davantage dans les cultures de blé d’hiver que dans les maïs. En effet, le « zéro de végétation » des Brassicacées (ex Crucifères, reconnaissables à leurs 4 pétales en croix) serait inférieur à celui du blé. Celles-ci prennent donc le dessus sur la culture pendant l’hiver systématiquement [1]. Une autre information importante est le TAD : Taux Annuel de Dégénérescence. Il s’agit du pourcentage de semences de mauvaises herbes qui meure ou est manger chaque année. Dans le cas de la moutarde des champs, il est estimé à 40% ce qui signifie que le stock de semences d’une année ne sera détruit à 95% au bout de 6 ans (5% restant viable) [2]. On dit qu’il s’agit d’un TAD moyennement persistant. La moutarde des champs n’aime pas le gel et elle peut disparaître dans les cultures d’hiver suite à des épisodes de froid intense. A voir cette année comment les moutardes s’en sont tirées après le froid autour du 16 Janvier. La Ravenelle (Raphanus raphanistrum) serait plus résistante au froid. A noter que la différence des pétales peut être parfois trompeuses chez certaines ravenelles assez colorées. Pour ce qui est du type de sol de prédilection, on retrouve des informations contradictoires. La Ravenelle est tantôt une indicatrice des terrains acides, tantôt d’un chaulage excessif ! A vous de juger, mais en tout cas si elle vous pose problème dans des terres acides, chauler, peut-être une option à tester.
Un autre point de biologie de cette famille d’adventices est le rapport au phosphore. Leurs propriétés acidifiantes pourraient leur permettre de mieux assimiler le phosphore du sol. Ces Brassicacées seraient favorisées dans des sols où cet élément est peu présent ou absent. A noter que la plupart des plantes terrestres captent le phosphore par l’intermédiaire d’association avec les champignons : les mycorhizes. La famille des Brassicacées en est dépourvue mais à semble t-elle trouver moyen de faire autrement. Ce serait les glucosinolates, les molécules soufrées qui pique le nez dans la moutarde, qui inhiberaient la germination de spore fongiques [3]. Si nous parlons ici de ces plantes comme d’adventices, les engrais verts de cette même famille pourraient avoir un rôle délétère sur les champignons responsables des maladies telluriques (blé, protéagineux, etc.).

 GESTION PREVENTIVE
Pour revenir à la gestion des adventices de la famille des brassicacées, comme on l’a vu plus haut, la viabilité des graines dans le sol est assez longue. Aussi, tout comme pour l’immense majorité des adventices, l’important est d’abord d’éviter de se faire envahir. Les graines proches du colza, préfèrent la terre fine et ne germent pas en profondeur (petite réserve). Pour des céréales d’hiver, il faudrait s’orienter vers des préparations grossières, assez motteuses et éviter les passages trop nombreux ou une herse rotative trop rapide. A adapter à son type de sol évidemment.

Si ces plantes sont favorisées par un faible taux de phosphore disponible, bien gérer cet élément dans son système est important. Dans une ferme associée à de l’élevage dont on restitue les effluents, il n’y a pas de carences la plupart du temps, à conditions que l’effluent soit bien géré et qu’on évite les pertes [4]. Pour rappel, Yves Hérody a mesuré qu’une pluie sur un tas de fumier lessive environ 10% du Phosphore et une saison de 1250 mm en lessive 30. Il résume alors « l’objectif de toute bonne gestion des matières organiques fermières et d’abord et avant tout : Ne rien perdre« [5]. Globalement, le phosphore étant un élément peu mobile, une bonne absorption par les plantes requiert une bonne structure pour une exploration racinaire et mycorhizienne optimale et toujours une activité biologique intense pour permette aux micro-organismes de le rendre assimilable.
Une autre manière de voir ce rapport des crucifères au phosphore est de jouer là-dessus en implantant des engrais verts composés de moutardes, radis et autres. Une fois broyés, ceux-ci restituent le phosphore et pourraient lever ou atténuer la carence induite. Ceci va aussi dans le sens de l’idée répandue que si une adventice est présente en quantité spontanément, on peut y remédier en implantant une culture ou un engrais vert de la même famille. Comme vu précédemment pour avoir une activité biologique intense qui va permettre aussi aux sols de bien exprimer son phosphore, l’ajout d’une céréale sucrée comme l’avoine combinée à une crucifère peut-être une option.
La rotation sera un levier pour articuler le labour, qui atténue tout de même ces adventices avec le positionnement des cultures difficilement envahit. On rappel que la durée de vie des semences fait qu’une seule culture concurrentielle ne suffira pas. D’autres préconisent de privilégier les associations en méteil, l’orge (effet port) ou le triticale (hauteur) [1].

GESTION CURATIVE
Mais quand ces adventices sont installées, que reste-t-il à faire ? Tout d’abord en inter-culture, les graine germant en surface, elles sont sensibles aux faux semis. Attention, pour rappel, il est important pour cette technique d’être très superficiel (type herse étrille aveugle plutôt que vibro à 8-10 cm) et de plus en plus superficiel, sinon on remonte les graines. Pour ça, revoir les recommandations de Joseph Pousset [6][7]. C’est peut-être la raison pour laquelle en Mayenne, les agriculteurs bio semant le maïs assez tardivement avec les passages d’herse étrille prélevée aveugle arrivent à contenir l’adventice dans cette culture.

La rotation peut aussi être un moyen curatif mais il faudra mettre en place une culture pluriannuelle  d’au moins 3 ou 4 ans pour voir de réels effets.

Pour ce qui est des outils de désherbage mécanique, la herse étrille n’est efficace qu’à un stade très jeune de l’adventice : filament blanc dans le sol, tout juste germé, cotylédons et vraiment début 2 feuilles (photo 5). Pour les cultures d’hiver, passer au stade en pré-levée ou plus tard, mais avant l’hiver. A la sortie d’hiver, la plante est trop développée, et comme indiqué au début de l’article, son zéro de végétation étant plus bas, elle aura tendance à s’être davantage développée que la culture. La herse étrille, dont le fonctionnement repose sur un différentiel d’enracinement entre la culture et l’adventice sera inefficace en désherbage. Il reste donc la bineuse qui arrachera la plante mais seulement sur l’inter-rang. Pour finir, un outil comme l’écimeuse peut s’avérer utile. Attention, au stade où on la passe, la concurrence est déjà faite entre les cultures, on écime d’ailleurs car le moutardier domine le blé par exemple. Cependant, cela peut être judicieux en vue d’éviter de faire exploser le stock de semence, pour 6 ans !

SOURCES ET POUR APPROFONDIR
[1] Programme CASDAR Désherbage mécanique, Août 2012
[2] Maîtriser les adventices en grandes cultures biologiques, ITAB, 2005.
[3] Effets allélopathiques des Brassicacées via leurs actions sur les agents pathogènes telluriques et les mycorhizes : analyse bibliographique. Partie II R Reayu et al., OCL VOL. 12 N° 4 Juillet-Août 2005
[4] Fertilisation organique des cultures, Les bases. Fédération d’agriculture biologique Quebec
[5] Yves Hérody, la première goutte de la première pluie, BRDA Editions, 2015
[6] Agriculture sans herbicides, Joseph Pousset, 2016
[7] Principales mauvaises herbes des grandes cultures biologiques de Haute-Normandie – GRAB Haute-Normandie, 2009

Et aussi : Site Infloweb : des informations sur les adventices des cultures, leur biologie et les moyens de lutte : http://www.infloweb.fr/ravenelle et http://www.infloweb.fr/moutarde-des-champs

 

Article rédigé par Thomas Queuniet (Civam Bio 53)