2024 : Une campagne viticole de nouveau marquée par une forte pression maladies

Publié le : 16 décembre 2024

Point sur les bions reflexes à avoir en année à forte pression maladies

Les points que nous allons développer ci-dessous, sont des fondamentaux qui devraient toujours être mis en œuvre, mais lorsque la pression maladies devient très importante ces fondamentaux deviennent des impératifs.

L’automne et l’hiver 2024 ont été partout très doux et surtout très arrosé, ce qui a eu plusieurs conséquences :

  • Certains travaux n’ont pas pu être réalisé, notamment l’entretien du cavaillon ;
  • Une pression maladie, notamment mildiou, précoce et élevée ;
  • Une impossibilité à pouvoir rentrer dans certaines parcelles.

Entretien du dessous de rang :

L’objectif est d’avoir des cavaillons « propres » en début de saison : c’est-à-dire, de la terre fine, sans adventices, qui facilite la circulation de l’air, évitant de maintenir des hygrométries importantes favorisant les pathogènes.

Cependant en 2024 de nombreux domaines n’ont pas pu mettre en œuvre les travaux habituels (lames, disques, décavaillonneuse, etc.) ce retrouvant dès les mois de mai-juin avec des hauteurs d’herbe sous le rang très importante avec plusieurs conséquences favorables aux maladies :

  • le rideau de végétation affecte la qualité de pulvérisation ainsi que la quantité de matière active déposé sur la vigne ;
  • cela maintient une hygrométrie importante et sur une durée plus longue, ce qui favorise la germination des spores et favorise de nouvelles contaminations.

Pour faire face à cette situation, qui risque malheureusement d’arrivée de plus en plus fréquemment, de nombreux vignerons se sont dirigés vers des outils de tontes ou de broyage. Cette technique permet de passer les moments difficiles et d’optimiser la protection contre les maladies.

Parmi les différents outils, il faut privilégier ceux équipés de tâteurs, souvent moins agressifs pour les ceps de vignes, on trouve des satellites de tontes, de broyage, avec des axes de travail horizontal (attention aux vignes basses) ou vertical. A noter que de plus en vignerons construisent des outils, souvent avec des moteurs hydrauliques et des pièces récupérées sur d’anciens outils, qui donnent satisfaction et limite les investissements. A défaut d’investissement individuel, il peut être intéressant de réfléchir à des achats collectifs (Cuma, etc.) car même si vous n’en aurez pas un usage régulier, cela peut vous sauver un millésime en cas de conditions difficiles comme 2024.

Lorsque la fenêtre s’intervention est trop courte pour intervenir sur tout le vignoble, il faut prioriser les interventions en fonction des possibilités d’accès bien sûr, mais également des adventices présentes :

  • difficulté à maîtriser ;
  • risque développement important ;
  • gêne pour les travaux à venir.

A gauche : enherbement peu problématique, qui peut attendre sans risques

A droite : enherbement pouvant devenir problématique rapidement qu’il convient de maîtriser rapidement.

La gestion de l’inter-rang :

La gestion de l’enherbement, inclus également la gestion des inter-rangs. Il y a deux questions que les vigneron.e.s devraient toujours ce poser avant de sortir de tondre :

  1. Est-ce que le couvert maintien une hygrométrie/une humidité favorable aux maladies ?
  2. Est ce que le couvert gêne la qualité de pulvérisation ?

Si la réponse est Oui à une des 2 questions la tonte peut être faite !! Dans ce cas : Eviter de Tondre trop ras, garder 8-10 cm de hauteur de coupe minimum (suivant hauteur des ceps).

Si la réponse est non : Pas de Tonte

A noter que généralement on cherche à laisser épier/fleurir les plantes annuelles, afin de limiter le nombre de passage (les plantes arrêtant de pousser après fécondation) et de favoriser la recharge en eau du sol. Dans des millésimes très humide, comme 2024, on peut choisir de tondre, régulièrement, pour stimuler l’évapotranspiration du couvert/enherbement et ainsi essayé de limiter/réduire l’asphyxie du sol généré par l’excès d’eau.

Attention à la maîtrise de l’herbe : Éviter maintenir hygrométrie favorable maladies & risque diminution qualité pulvérisation…,

 

Gestion de l’épamprage :

L’objectif est d’être à jour des épamprages, afin d’éviter les contaminations primaires et des repiquages précoces.

Cet objectif a pu être difficile à atteindre en 2024 au vu des conditions météorologiques. Lorsque cela n’a pas été possible, il faut modifier, quand c’est possible, l’orientation des buses/jets afin de protéger ce qui n’as pas pu être éliminé avant les pluies.

Si en plus de l’épamprage des pieds vous pouvez épamprer les têtes de ceps, cela ne sera que plus profitable.

Si vous pratiquer l’épamprage mécanique, il est impératif de ne pas chercher à faire travailler l’épampreuse trop près du sol afin de limiter les projections de terres qui contiennent également des spores de champignons.

Remarque : Trop souvent, les épampreuses mécanique sont utilisées pour l’entretien du cavaillon, ce qui est une erreur. Même si les épampreuse ont un effet dépressif sur les jeunes adventices, ce qui peut permettre de décaler, reporter une intervention mécanique ; Elles sont souvent inefficaces sur des adventices développées.

Gestion des relevages :

Objectif : Ne pas avoir des rameaux au sol pendant une pluie, c’est une situation à éviter.  L’objectif est d’éviter l’affaissement des rameaux et leur rapprochement du sol (qui deviennent des échelles à mildiou). Cela permettra également un meilleur traitement et limitera la casse des rameaux.

Si les vignes ne sont pas relevées avant les prochaines pluies : il ne faut pas hésiter à « sacrifier » les rameaux ayant un angle inférieur à 90° par rapport à la tête de cep (proche du sol). Ces rameaux sont non traités, ou mal traités, de plus la probabilité qu’ils soient contaminés pendant la pluie est très importante. Les symptômes sur ces rameaux sont probablement en incubation, donc pas visibles lors du relevage, et ne s’extérioriseront que plus tard.

Lorsque la vigne pousse par à-coup, et ou que la pousse est hétérogène, il ne faut pas forcément attendre que tout soit poussé pour faire un « relevage définitif » car on s’expose aux risques décrit ci-dessus. Si possible faire un « Pré-relevage » soit avec les fils habituels en les attachant plus bas et des attaches plus espacées ; Une autre astuce est de faire un relevage temporaire en tendant des cordes (fil de bottelage), avec toujours le même objectif de maintenir les rameaux le plus haut possible et évitez qu’ils ne touchent le sol. Cela limitera aussi la casse de rameaux (vent, tracteur, etc…).

Pour les relevages aussi vous pouvez prioriser vos interventions en fonction des caractéristiques de chaque parcelle (Vigueur, comportement du cépage [ex : Merlot = port « tombant » & Cabernet sauvignon = port « droit »], etc.).

Gestion des effeuillages :

Les effeuillages lorsque c’est possible seront un plus, l’idéal serait d’écharder, c’est-à-dire enlever les entre-cœurs, qui sont souvent des portes d’entrées des maladies, malheureusement pour de nombreux domaines cela n’est plus envisageable d’un point de vue économique.

Echarder est une pratique toujours efficiente mais malheureusement très peu mise en œuvre car extrêmement chronophage (coût, difficultés à trouver M.O). Il n’y a pas d’astuces pour ce point car cette technique n’est pas mécanisable, on peu éventuellement la mettre en œuvre sur de petites surfaces : Soit avec une très forte sensibilité aux maladies, soit permettant de dégager une meilleure valorisation.

Les effeuillages ne doivent pas forcément être généralisés, il faut prendre en compte la vigueur, la sensibilité aux maladies, l’orientation de la parcelle par rapport au soleil, etc… De nombreuses machines existent, préférer des outils peu agressifs ET SURTOUT bien réglé vos outils en fonction de chaque parcelle (trop souvent on observe des rangs effeuillés avec plus de dégâts que rangs non effeuillés, notamment à cause de blessures non protégées). L’effeuillage manuel peu aussi générer des blessures ou mâchures sur les futures baies si réalisez de manière trop brutale.

De manière générale, les effeuillages sont plus efficients lorsque qu’ils sont réalisés tôt :

Les effeuillages permettent une meilleure aération de la zone des grappes, baisse de l’hygrométrie favorable aux maladies, ils doivent aussi permettre de laisser passer la lumière, sans mettre les grappes à nues. Ils permettent également à vos traitements de mieux pénétrer la zone fructifère. Plus ils sont faits tôt, moins vous blessez les baies et meilleure sera leur efficacité.

Gestion des rognages :

Si d’habitude l’objectif est de reculer au maximum les premiers rognages, s’il y a une très forte pression maladies, notamment mildiou, rogner « serré », sans blesser les grappes peut être un bon moyen de limiter l’inoculum présent au sein du palissage.

C’est une technique simple à mettre en œuvre, il suffit de retarder au mieux l’intervention, cependant, comme pour la tonte, ce sont souvent des considérations plus psychologiques que techniques qui causent soucis.

Le rognage est une opération qui crée du stress à la vigne de part les nombreuses blessures engendrés et le fait de couper l’apex du rameau vas avoir pour conséquences de faire pousser les entre-cœurs (plus difficile à protéger et servant souvent de porte d’entrée au maladies).

Dans la mesure du possible, toujours rogner avant un traitement, cela permet de protéger les blessures engendrées et limite ainsi les contaminations. La phytothérapie (notamment valériane & consoude) peut aider la vigne à surmonter le stress engendré par le rognage.

Pour limiter le stress, rogner aussi de préférence le matin. L’humidité matinale permet de maintenir les couteaux propres, avec une coupe plus nette nécessitant moins de ressources pour cicatriser. Au contraire rogner par temps chaud et sec vas « encrasser » les couteaux, ce qui conduit plus à « l’arrachage » d’une partie du rameau au lieu d’une coupe franche ; Cette blessure va nécessiter plus d’énergie de la vigne pour cicatriser ce qui peut l’affaiblir et la rendre plus sensible à un pathogène.

Enfin pour terminer sur le rognage, évitez autant que possible de rogner des bois déjà aoûtés (consomme plus de ressources pour cicatriser par rapport à un organe en vert).

Pour aller plus loin sur l’adaptation du matériel pour limiter le stress du rognage:

Distinguer les périodes et les priorités :

On l’a vu pour de nombreux sujets, il est important de bien prioriser ces actions, surtout des années difficiles comme 2024.

Dans la saison viticole, on peut distinguer 2 grandes périodes ou les priorités seront différentes :

Rappel sur le basculement de stratégie : Si la vigne atteint sa surface foliaire & surface grappes maximum ; et que les vignes sont saines. Si ces 2 conditions sont réunies : Il est possible de modifier la stratégie en arrêtant de suivre la pousse et en renouvelant selon le lessivage. On peut basculer de stratégie : arrêt des suivis de pousses et renouvellement en fonction du lessivage.

Il est impératif de maintenir la surveillance, notamment sur le Black Rot & l’Oïdium avec cette stratégie.

  • Du débourrement à la fermeture de la Grappe : Stratégie d’accompagnement de la pousse. C’est la stratégie qui concentre le plus de traitements.
  • De fermeture de la grappe à maturité : Stratégie « Lessivage », attendre que le dernier traitement ait été lessivé et qu’il y ait de nouvelles pluies pour renouveler un traitement. C’est la stratégie qui permet de limiter le nombre de traitements.

Les nouvelles pousses qui pourraient être contaminées par la pluie seront éliminées avec la rogneuse, si les parcelles ont bien acquis leur palissage maximum et que tout ou au moins une large majorité des entre-cœurs, sont sortis et peuvent être éliminés par la rogneuse, sans créer des blessures sur les grappes.

En cas d’apparition d’oïdium, on pourra effectuer un soufre sur fleur en poudrage, à 20 Kg/ha, qui a de bons effets curatifs sur les 1ers symptômes. Si parcelle avec historique important, et que vous ne souhaitez pas traiter préventivement avec pulvérisateur, possible de réaliser poudrage, même dose mais avec un soufre « Trituré » (moins d’effet choc, mais rémanence plus importante).

Note : Quelques vigneron.ne.s pratiquent l’enroulage ou la technique dites des « ponts », sans rognages. Ces techniques doivent être mise en œuvre uniquement sur des vignes dont la vigueur est maîtrisée, et en cas d’attaques il est plus compliqué, voire impossible de supprimer les paries contaminés… Il faut donc mieux avoir une très bonne protection, notamment contre le mildiou.

Accompagner la pousse de la vigne :

La  « pousse de la vigne » ne se limite pas à l’élongation des rameaux, mais il faut également prendre en compte :

  • Le développement des organes existants, par exemple la feuille de vigne bleue et bien protégé, si la vigne pousse après le traitement la surface en rouge n’est pas protégé.

En 2023 et 2024, on a pu avoir des croissances de baies très rapides, ce qui peut aussi être une porte d’entrée des maladies. En effet si à l’œil l’augmentation de la taille des baies peu nous paraître minimes, si on déplace notre regard pour s’attacher aux surfaces à protéger on s’aperçoit que le risque peut être important :

Importance d’accompagner la pousse : de la chute des capuchons floraux au stade fermeture de la grappe ; la surface est 25 fois supérieure entre une baie de 1 mm et 5 m)

  • L’apparition de nouveaux organes, l’apparition de nouvelles feuilles, d’entre-cœurs… Un des points critique à prendre en compte est la chute des capuchons floraux. En effet, lorsque le capuchon tombe, la future baie néoformée n’as jamais reçus de protection (Cu ou S) et sont donc très sensibles aux contaminations. En 2024, une bonne partie de la floraison de la vigne c’est déroulé sous la pluie, ce qui a entraîné de nombreuses contaminations sur inflorescences (Rot gris), évoluant ensuite sur baies (Rot brun).

C’est pour toutes ces raisons que, sur la première partie de la saison, l’accompagnement de la pousse (élongation des rameaux, développement des organes existants et apparition de nouveau organes) doit primer sur le lessivage dans la décision de renouveler un traitement. En 2024 cela représentais 2 à 3 passages en une semaine quand il était possible de rentrer dans les parcelles. Cette stratégie est chronophage et à un coût mais permet de garantir une récolte suffisante et de pouvoir réaliser des impasses de traitements plus tard en saison.

Rédaction : Eric Maille, Technicien Viticole en Agriculture Biologique et BioDynamique, Agrobio Périgord