Mathilde Thomas et Nicolas Ferri – Maraîchage – Marne

Mathilde et Nicolas sont installés depuis une dizaine d’années en maraîchage biologique dans le nord de la Marne. Leur ferme a beaucoup évolué depuis leurs débuts et est notamment équipée depuis quelques années d’un laboratoire de transformation. Ils nous décrivent leurs parcours et projets.

Présentation de la ferme EARL L’Appel du Potager

Dates d’installation : Mathilde en 2010 et Nicolas en 2015

Surfaces : 8 ha pour le maraîchage bio dont :

  • 5 ha de maraîchage en plein champ,
  • 5000 m² de maraîchage sous-abris
  • 2,5 ha de lentille, sorgho et pâture

53 ha en grandes cultures cultivées à façon

Atelier de transformation à la ferme

Circuits de vente des légumes :

  • Sacrés Fermiers (50%),
  • paniers dans deux AMAP (40%),
  • MBCA (10%),
  • et quelques magasins spécialisés.

8 ETP en 2019 dont 6 ETP permanents et 2 ETP saisonniers

Mathilde et Nicolas devant le bâtiment du pigeonnier qui abrite maintenant l’atelier de transformation

Quels sont vos parcours et pourquoi vous êtes vous installés en maraîchage bio ?

Mathilde : C’est le hasard ! Je suis fille d’agricultrice mais je ne pensais pas m’installer sur la ferme familiale. J’ai fait un BTS en agroalimentaire et une maîtrise en restauration collective. J’ai travaillé en analyse sensorielle dans plusieurs laboratoires à Paris avant de revenir à Pontfaverger.

Nicolas : J’ai passé un BTS de biochimie spécialisation hygiène et qualité des industries agroalimentaires. Je travaillais dans le même laboratoire que Mathilde comme technicien en analyse sensorielle.

M : Les laboratoires dans lesquels nous travaillions ont fermé et il y avait peu de débouchés dans ce domaine.

N : Nous avons donc décidé de changer de voie et sommes venus à Pontfaverger dans la ferme du père de Mathilde en 2006. Nous nous sommes lancés dans le projet de transformer le bâtiment du pigeonnier en gîte avec table d’hôte… et la mise en culture d’un potager pour la table d’hôte. Finalement, le projet de gîte avait trop d’écueils financiers et nous avons gardé la « 3e roue du carrosse » : le potager ! En se documentant sur le projet, nous avons eu des renseignements sur le maraîchage bio ce qui nous a poussé à nous lancer.

M : C’était une révolution par ici.

N : Déjà de faire des légumes et bio encore plus. Mais nous avons eu le soutien et l’appui du père de Mathilde qui croyait en notre projet. Nous avons réellement commencé la première activité de maraîchage bio dans sa ferme avec l’embauche de Mathilde en 2008.

M : En 2010, on a pu créer une entreprise individuelle à mon nom dans laquelle Nicolas était salarié, puis nous nous sommes associés en 2015. J’ai également repris une partie des terres en grandes cultures de mon père qui sont cultivées à façon par mes frères.

Depuis vos débuts en 2008, votre ferme a beaucoup évolué

N et M : En effet, de 2008 à 2010, nous avions 1 000 m2 et commercialisions au détail à la ferme. Au printemps 2010, nous avons évolué vers la vente en paniers et commencé à commercialiser au sein de l’AMAP Champagne-Ardenne. Notre surface a doublé ! Nous sommes passés de 5 000 m2 avec un petit tunnel à 1 ha avec 500 m2 sous-abris.

En 2010, nous avions ainsi 30 paniers hebdomadaires et avons recruté le premier salarié. Puis nous avons commencé à approvisionner la restauration hors domicile avec Manger Bio Champagne-Ardenne (MBCA) et développé d’autres points de distribution avec l’AMAP. Entre 2012 et 2015, nous avions 120 paniers hebdomadaires ainsi que la vente avec MBCA. En 2015, une autre étape est franchie avec le début de la vente dans le magasin de producteurs Sacrés Fermiers à Cernay-lès-Reims.

Quelles sont les raisons qui vous ont motivé à développer vos circuits et agrandir la ferme ?

N et M : En 2014, on s’est demandé si on restait à cette taille avec peu de charges ou si on entrait dans ce système d’agrandissement. Finalement, quatre facteurs nous ont motivés. Le premier était que Nicolas puisse s’installer. Le deuxième était que nous ressentions des besoins en légumes bio et l’existence de débouchés. Le troisième facteur était la volonté de diminuer la pénibilité du travail : avec l’agrandissement nous pouvions investir dans du matériel ergonomique et recruter des salariés pour partager la charge de travail. Et le quatrième facteur était que nous et nos salariés commencions à avoir des enfants et voulions avoir plus de temps à consacrer à notre vie familiale.

N : Augmenter la production sur la ferme nous a aussi permis d’imaginer d’autres débouchés comme la transformation.

Votre laboratoire de transformation : pourquoi ce projet et comment fonctionne-t-il ?

Mise sous vide au laboratoire de transformation

N : Notre formation et notre cursus professionnel nous ont naturellement orientés vers la transformation artisanale. Avec l’abandon du projet de gite, le bâtiment a pu être dédié au laboratoire.

M : La transformation a permis de répondre à un surplus de production l’été et de diversifier et compléter nos paniers à la fin de l’hiver, quand on a moins de légumes. L’enjeu est de faire un produit bon, au bon prix et qui se vend. Nous avons commencé avec les légumes râpés qui nécessitent un investissement minimal mais avec l’inconvénient des emballages en plastique que j’aimerais éviter. Nous faisons également des betteraves rouges mis sous vide à froid (pour éviter la cuisson dans du plastique). Nous réalisons aussi des conserves en bocal, et depuis peu avons un autoclave qui permet d’augmenter la gamme proposée, une meilleure gestion des stocks et une zone de chalandise plus grande. Une personne travaille à mi-temps maintenant sur l’atelier transformation.

N : Il est important d’avoir une « vitrine » pour un atelier comme celui-ci. Les magasins sont justement une bonne plateforme de vente pour les produits de transformation.

Envisagez-vous d’autres projets ?

M : Nous aimerions convertir en bio les parcelles en grandes cultures, cela doit avant être réfléchi et travaillé avec mes frères qui les cultivent.

N : On se questionne aussi sur l’évolution de la ferme. La demande augmente encore dans tous nos circuits mais nous ne souhaitons plus augmenter les surfaces. Des leviers techniques pourraient nous permettre d’augmenter notre production, peut être l’optimisation de notre espacement et de la densité de plantation sous les serres. Nous nous interrogeons également sur l’équilibre de nos débouchés qui n’ont pas les mêmes exigences (par exemple en terme de présentation) et demandent un travail différent notamment en temps de préparation.

Article rédigé par Lise Foucher et initialement paru dans Les Lettres AB n°27, mars 2020