Francis Portier – Apiculture, Arboriculture – Ardennes

Je n’ai pas commencé ma carrière dans l’agriculture, loin de là, avant j’étais conducteur de travaux chez France Télécom. Je suis devenu exploitant double actif en 1997, pour conserver des terres héritées et aussi pour pouvoir vendre mes produits, à l’époque c’était essentiellement du cidre. En 1997, j’ai demandé un temps partiel (80 %) pour me consacrer à cette nouvelle activité, j’étais à mi-temps de 2000 à 2005 et en disponibilité de 2005 à 2015. Depuis 2005, je suis à temps plein sur la ferme.

 

La ferme en quelques mots

La ferme aux abeilles

  • SAU : 5,5 ha en arboriculture : Cerises, mirabelles, quetsches, reine-claude, châtaignes, pomme, poires, noix, coings.
  • 90 ruches
  • Productions : Farine, fruits frais, petits fruits, confitures, gelées, plantes à parfum aromatiques et médicinales, tisanes, huiles, produits de la ruche (miel, pollen, propolis,…), jus de fruits, cidres, vins et vinaigre de fruits.
  • Passage en bio : 2009
  • Installation : 1997

  • UTH : 1

Pouvez-vous nous présenter votre parcours en quelques mots ?

Je me suis intéressé à l’apiculture un peu tardivement. C’est parti d’un constat : j’avais très peu d’abeilles autour de mes arbres fruitiers et donc des problèmes de pollinisation. Après ma formation apicole, c’est devenu une passion : j’ai commencé avec 3 ruches, je me suis investi dans une association, je suis devenu agent sanitaire apicole et suite à une demande d’aide MAE (Mesure Agri- Environnementale) apicole, je suis passé à 75 ruches. Actuellement, j’ai 90 ruches sur tout le territoire de Grandchamp.

Mon activité arboricole s’est développée progressivement (essentiellement des pommiers), j’ai planté 3,5 hectares pour avoir une surface minimale en installation (obligatoire pour la MSA). Maintenant, j’en suis à 5,5 hectares, je vends mes fruits en direct et la réduction de temps de travail chez France Télécom correspond à mon investissement dans la transformation.

Pourquoi avoir fait le choix de l’AB ? Ce passage a-t’il été compliqué ?

En 2009, je suis passé en bio car je me suis intéressé à ce que les autres agriculteurs touchaient comme aides, et celles de la PAC notamment. J’ai demandé à la DDT pourquoi j’avais si peu d’aides en arboriculture : ils m’ont répondu que la solution pour mon cas était un passage en bio, donc c’est un peu grâce à la DDT que je suis passé en bio ! (Rires). Et effectivement, ce passage, après une période de conversion de 3 ans a été simple. Du moins, d’un point de vue technique car ma façon de travailler était déjà bio : je travaille avec la nature et je n’ai jamais utilisé de produits chimiques de synthèse. Pour l’aspect réglementaire, j’ai été un peu dérouté au départ mais maintenant je suis rodé, même si ce n’est pas toujours évident.

Comment fonctionne votre ferme ?

Sur la partie apicole, j’ai beaucoup de travail de mi-avril à septembre notamment avec le nourrisse­ment automnal des abeilles en vue de leur préparation à un bon hivernage. En avril/mai, je me consacre à l’élevage des essaims. Et je récupère en plus des essaims chez des clients car je fais de la prestation (nettoyage de printemps, récoltes, conseil, …).

La récolte du miel commence fin mai, j’en fais 3 chez moi et 2 chez mes clients. J’ai optimisé ce travail en investissant dans une miellerie mobile avec une camionnette spécialement aménagée.

Pour la partie arboricole, je commence par la taille en mars, puis les récoltes s’enchaînent avec : les cerises et les petits fruits en juin, les mirabelles et les reines-claudes en août, les quetsches en septembre et je termine avec les pommes en octobre et le cidre début novembre. J’ai mis en place de l’agroforesterie, entre les rangées d’arbres, j’ai semé des cultures mellifères : du sarrasin, des phacélies (engrais verts), des tournesols et de la bourrache. C’est vraiment très intéressant : par exemple la phacélie peut générer jusqu’à 400 kg de miel à l’hectare. Je fais des rotations de ces cultures ; la saison prochaine, je vais semer du trèfle d’Alexandrie, qui est également très mellifère. De plus, toutes ces cultures sont certifiées AB. Je transforme en farine le sarrasin et je vends les graines des tournesols. Il y a aussi des acacias entre les arbres ; mais cette année, ça n’a pas du tout marché car la floraison est courte et avec la pluie, ils n’ont pas été butinés.

Quels sont vos débouchés pour vos produits ?

Je vends tous mes produits en direct à la ferme. Parfois, je livre des commandes à des associations ou à des restaurants voisins comme l’Auberge de l’Abbaye à Signy l’abbaye.

On vous demande souvent comment votre miel peut être bio ?

Dans l’esprit des gens, le miel c’est naturel donc c’est bio, or c’est faux. Je leur explique évidemment les rayons de butinage, que mon miel de printemps est déclassé car il y a du colza traité aux alentours. Les gens ignorent aussi les différences entre apiculture bio et non bio : pour le traitement du varroa, le nourrissement,… Sur ces deux exemples, je leur présente les alternatives que j’utilise : les traitements aux huiles essentielles bio contre le varroa et le sucre bio de nourrissement que je fais moi-même. J’explique également que les abeilles recherchent de la diversité dans les pollens. Des études montrent que leur système immunitaire est renforcé avec cette diversification pollinique. Elles sont mieux protégées, elles ont moins de problème de varroa et moins de stress. Le stress est le problème des ruches, c’est une accumulation de plusieurs facteurs et pathologies qui crée les désertions. Bref, il y a beaucoup de pédagogie à faire, c’est aussi pourquoi j’ouvre ma ferme.

Que pensez-vous de l’AB en général ?

J’apprécie beaucoup l’état d’esprit des producteurs qui sont en bio, je les trouve en général plus décontractés, moins fixés sur les rendements et naturellement beaucoup moins critiques sur la défense de l’environnement. Avec le projet “Ruchez-vous” (projet d’installation de ruches chez des producteurs bio du département initié par Agrobio 08), j’ai rencontré différents agriculteurs bio et ça a été pour moi très enrichissant. Pour les consommateurs, mon passage en bio n’a pas changé grand chose, ça les rassure certes mais les gens viennent chez moi plus pour le côté artisanal et local.

Quels sont vos projets ?

Prochainement, je vais faire du foin, qui sera certifié, à destination des particuliers (pour des lapins, chevaux, ânes, chèvres,…). Cela me permettra aussi d’alléger mon travail dans les vergers. Enfin, mon projet serait d’avoir plus de miel car cette année a été particulièrement mauvaise. Je pourrais ainsi développer des nouveaux produits comme le vin d’abeille et le confimiel : confiture dans laquelle on remplace le sucre par du miel mais cette recette nécessite vraiment plus de miel.