Vigilance sur la carie du blé

Publié le : 17 décembre 2019

Cette maladie fongique provoquée par Tilletia caries et Tilletia foetida a été particulièrement présente en Bourgogne cette année. Sa propagation rapide et son impact sur la qualité des récoltes en font un enjeu important en agriculture biologique. C’est pourquoi nous avons souhaité apporter des compléments sur le diagnostic et sur les mesures à prendre en cas de contamination.

La carie commune du blé est une maladie provoquée par un champignon présent soit dans la semence soit dans le sol. On observe, en particulier cette année, une recrudescence de cette maladie dans les systèmes en agriculture biologique, en lien avec des pratiques plus à risques (utilisation de semences de ferme, absence de traitement de semence…).  Cette maladie ne doit surtout pas être négligée. En effet, elle a un important pourvoir de propagation (1% d’épis cariés à la récolte peut entraîner jusqu’à 62% d’épis cariés à la récolte suivante). De plus, elle empêche la commercialisation du blé que ce soit en alimentation humaine ou animale. Il n’y a pas de toxicité des grains cariés mais une baisse de l’appétence (odeur de poisson pourri). Par ailleurs, le champignon est capable de rester plusieurs années dans le sol d’où l’impossibilité de cultiver des espèces sensibles sur une parcelle infectée pendant au moins 5 ans. Il est impératif de prendre des mesures préventives pour limiter les risques d’apparition de cette maladie.

Utiliser des semences certifiées
L’utilisation de semences certifiées permet de limiter les risques d’apparition de la carie dans les fermes. En effet il existe une tolérance zéro pour les semences certifiées. Une dérogation a cependant été accordée en agriculture biologique pour les campagnes 2014-2015 et 2015-2016 avec une tolérance respective de 20 et 10 spores par gramme (manque de semence sur le marché). Pour l’instant, la norme est revenue à zéro aujourd’hui.

Renouveler ses semences de ferme
Il est fortement conseillé de renouveler sa semence très régulièrement (tous les ans). En effet, cela permet de repartir avec des semences saines et d’éviter la multiplication des spores. Il peut être également intéressant de faire analyser ses lots de semences de ferme afin de détecter la présence ou non de spores.

Le traitement des semences
Le traitement des semences et en particulier des semences de ferme est indispensable pour limiter les risques de propagation de la maladie. Pour cela, il existe différents produits autorisés en agriculture biologique. Deux produits disponibles en bio ont une bonne efficacité contre la carie :
– le traitement au vinaigre (1L de vinaigre à 8% mélangé avec 1 L d’eau par quintal de blé)
– le traitement au cuivre
L’avantage du traitement au vinaigre est qu’au bout de 6 mois, il s’est totalement évaporé et la semence est donc considérée comme non traité. Il est donc possible de la commercialiser en alimentation.

Choix de l’espèce et de la variété
Les espèces de céréales sont plus ou moins sensible à la carie. Les plus sensibles, auxquelles il faut être particulièrement attentif sont les épeautres et le blé. Les autres céréales sont beaucoup moins sensibles. Seule l’avoine serait résistante à cette maladie. Ainsi il est important de limiter les espèces sensibles dans les rotations surtout en cas de doute sur une parcelle.

Favoriser une levée rapide
Le champignon est capable de pénétrer dans la plantule entre la germination et le stade trois feuilles. Ainsi en favorisant une levée et un développement rapide de la céréale, on limite la période de sensibilité et donc les risques. C’est d’ailleurs les conditions climatiques particulières de l’année dernière (sec en octobre et froid début novembre) qui ont favorisé l’apparition de cette maladie.

En cas de doute sur un lot de semences, il ne faut surtout pas le semer avant de faire une analyse !!!! En cas d’infestation d’une parcelle des mesures spécifiques sont également à prendre.

Diagnostic à la parcelle
Il est préférable de ne pas être pris de cours lors de la moisson et pour cela de bien observer les parcelles en amont. Les épis ébouriffés, les grains boutés et éventuellement une odeur de poisson pourri sont des symptômes observables, mais leur absence ne permet pas de conclure que la parcelle est indemne. En cas de doute, le test du seau (voir encart sur cette page) permet de confirmer la contamination, mais pas de l’infirmer. Seule une analyse en laboratoire apporte un diagnostic définitif. Elle est impérative pour les lots de semences de ferme et recommandée en routine sur une sélection de parcelles chaque année. Au dessous de 50 spores par graine (ou 1000 par gramme) il est possible de re-semer, uniquement après avoir traité les semences (voir numéro précédent) et en l’absence d’alternative moins risquée.

Que faire du grain contaminé récolté ?
En cas de contamination importante qui empêcherait la commercialisation, il est préférable de brûler la culture (sur autorisation préfectorale) ou de la broyer. Sinon, il est possible de récolter après avoir moissonné les parcelles saines. Il est ensuite très important de purger plusieurs fois la moissonneuse-batteuse avec une culture résistante et de nettoyer le matériel de récolte. Les lots concernés peuvent être refusés, que cela soit en consommation humaine ou animale. Dans ce cas, seule l’autoconsommation fourragère reste possible si la contamination n’est pas trop sévère et que les grains restent appétants (pas de toxicité). Les grains issus de parcelles contaminées ne peuvent bien entendu pas être utilisés comme semence de ferme. Le grain contaminé récolté doit être si possible brossé, ce qui élimine une grande partie des spores, nettoyé à l’aide d’un nettoyeur-séparateur et/ou lavé à l’eau. Le matériel de stockage doit également être lavé à l’eau et au vinaigre.

Comment gérer les parcelles contaminées ?
Il est conseillé de laisser les spores en surface 2 à 4 mois après la moisson afin de favoriser leur germination. Si un labour est prévu, l’idéal est de le retarder jusqu’au début de l’hiver ou au printemps (et donc de ne pas semer de culture d’hiver). Eviter ensuite de semer des céréales à paille pendant 5 campagnes (hors avoine, qui est résistante, voire orge et seigle qui sont peu sensibles) car le champignon se conserve dans le sol pendant plusieurs années. Les spores enfouies en profondeur se conservent et ne germent qu’une fois ramenées en surface. Favoriser les variétés de blé peu sensibles telles qu’Arezzo ou Crousty permet également de réduire les risques.

N’hésitez pas à nous contacter si vous souhaitez des infos supplémentaires et à aller sur la page du site de l’ITAB http://www.itab.asso.fr/activites/lacariecestquoi.php

Article rédigé par Adrien Lurier (Bio Bourgogne)