Suivi de parcelles de cameline biologique en Drôme de 2017 à 2019

Publié le : 30 juillet 2020

Les surfaces de production de cameline (biologiques et conventionnelles) sont anecdotiques en France et en particulier dans le département de la Drôme. Toutefois, certains producteurs biologiques souhaitent développer cette culture dans des systèmes céréaliers sans irrigation avec des terres à faible potentiel afin de diversifier leur rotation et leurs sources de revenu.

Les surfaces de production de cameline (biologiques et conventionnelles) sont anecdotiques en France et en particulier dans le département de la Drôme. Toutefois, certains producteurs biologiques souhaitent développer cette culture dans des systèmes céréaliers sans irrigation avec des terres à faible potentiel afin de diversifier leur rotation et leurs sources de revenu. C’est le cas dans les Baronnies (sud-est du département) où une production existe depuis plusieurs années et tend à augmenter grâce à un débouché offert par l’huilerie Emile Noel située dans le Gard. Mais il existe peu de références techniques et économiques sur cette culture et encore moins en agriculture biologique. Agribiodrôme a donc été sollicité par ces producteurs pour réaliser un suivi de parcelles et ainsi identifier les facteurs déterminants dans le rendement et la qualité des graines de cameline.

Agribiodrôme a donc suivi une dizaine de producteurs de 2017 à 2019 et effectuer des relevés sur une quinzaine de parcelles chaque année, essentiellement situées dans les Baronnies mais aussi sur la plaine de Montélimar. Chaque suivi a permis de croiser les observations des producteurs, le suivi du développement de la culture et de son enherbement, les quantités récoltées et les taux d’extraction de l’huile mesurés par l’huilerie Emile Noël. Cela a permis de tester l’influence des facteurs suivants sur le rendement et la qualité de l’huile : conditions pédoclimatiques, variétés, associations de culture, fertilisation. Les autres pratiques (désherbage, semis et précédents) n’ont pas été retenues dans les facteurs à suivre et chaque producteur a donc mis en place la culture sur sa ferme en suivant un itinéraire standard et défini.

La revue bibliographique pendant l’étude nous a apporté quelques enseignements sur le cycle très court de la culture, sur sa résistance au froid, à la chaleur et au manque d’eau. Une thèse sur cette culture conduite en 2019 dans l’Oise nous a permis de confirmer certaines hypothèses et d’apporter des éclairages nouveaux sur la corrélation entre le rendement et la disponibilité en azote à la floraison ainsi que sur le lien entre les températures et le taux en acide gras polyinsaturés.

 

Résultats du suivi de parcelles sur 3 années

1.1       Conditions pédoclimatiques et cycle biologique de la cameline
La cameline est une culture qui est affectée par les grandes variations climatiques du sud-est de la France : elle ne supporte pas le gel tardif, pas les pluies trop abondantes du printemps, ni la sécheresse. Ces difficultés sont amplifiées en terrain lourd et peu drainant. Par ailleurs, tout accident dans le développement de la culture conduit à des rendements très diminués et un enherbement important. En effet, en raison de son cycle très court, la cameline ne dispose pas de mécanisme de rattrapage des accidents de culture.

Il faut donc mettre en place des conditions optimales de démarrage et de développement de la culture : terrains légers, drainants, qui peuvent même être caillouteux. Il faut éviter un semis trop précoce (avant fin mars) qui pourrait l’exposer aux gelées tardives ainsi qu’un semis trop tardif (après le 15 mai) qui risque de l’exposer à la sècheresse estivale. Il faut adapter ses dates de semis à l’altitude, à l’orientation et au sol de la parcelle ainsi qu’aux normales saisonnières afin de se situer dans l’optimum climatique pour une bonne levée : 1ère quinzaine d’avril en plaine, 3 dernières semaines d’avril en montagne.

En cas d’accident, il est préférable de broyer la culture et de la réimplanter (s’il n’est pas trop tard) ou d’implanter une autre culture.

La cameline nécessite des précipitations régulières (mais pas abondantes) entre le semis et la floraison pour se développer dans de bonnes conditions. La floraison est, d’après la thèse de M.Leclère en 2019, la période critique pendant laquelle plusieurs conditions sont nécessaires : disponibilité en eau et disponibilité en azote, qui semblent avoir un rôle déterminant sur le rendement final.

1.2       Variétés
4 variétés ont été testées sur les 3 années : Calena, Zuzana, CCE11 et une variété dont nous ne connaissons pas l’origine mais qui a été multipliée sur une ferme des Baronnies et que nous avons appelé Tofagne, du nom de la zone de multiplication.

Probablement du fait de son adaptation, la variété Tofagne s’est imposée comme la variété de référence pour la production en Drôme, en raison de sa stabilité de production et de taux d’extraction malgré des conditions climatiques changeantes. Il serait toutefois intéressant de poursuivre des essais sur la variété Calena si elle était de nouveau disponible car elle a montré en 2017 un taux en huile significativement plus important que les variétés Zuzana et Tofagne, ainsi qu’en écart de tri moins important.

1.3       Fertilisation
La cameline a montré qu’elle pouvait valoriser une fumure de fond mais pas l’apport d’engrais. L’hypothèse avancée est que la disponibilité en azote doit être forte à la floraison d’où l’effet probable de la fertilisation de fond et pas des autres apports d’engrais réalisés bien avant ce stade.

Il reste à tester l’apport d’engrais directement assimilable au stade floraison pour voir si cela pourrait avoir un effet sur le rendement final et donc un intérêt économique.

1.4       Lutte contre les adventices
Contrairement à certains apports de la littérature, la cameline semble peu compétitive vis-à-vis des adventices avec un effet allélopathique qui n’est pas démontré.

Le principal facteur pour éviter les adventices sur la culture de cameline est donc d’avoir une parcelle propre, avec un faible stock de graines d’adventices. Ce facteur est nécessaire pour éviter toute forme de compétition qui pénalise le rendement de la culture et probablement le taux en huile.

Les différentes tentatives de rattrapage n’ont pas donné de résultats satisfaisants, probablement en lien avec le cycle très court de la plante.

1.5       Associations de cultures
Bien que dans certains cas, les associations de cameline avec du sainfoin ou de la lentille ont pu montrer un intérêt économique, il est à noter que la cameline a toujours montré les meilleurs rendements lorsqu’elle était implantée seule. On peut envisager que la compétition azotée entre les cultures au démarrage puis la compétition hydrique entre le semis et la floraison sont responsables de ces résultats.

S’il est attendu un résultat économique fort sur la culture de cameline, il est donc préférable de la cultiver seule.

En revanche, si la cameline est une culture secondaire ou d’opportunité, alors une association avec du sainfoin ou de la lentille peut permettre de diversifier les récoltes et les revenus.

La thèse de M.Leclère en 2019 évoque toutefois des résultats intéressants sur l’association cameline+ pois, qui n’a pas été testée en Drôme, et qui montre l’absence de compétition azotée entre les 2 cultures.


Conclusions et recommandations

Dans l’ensemble, les rendements de la cameline ont été faibles à très faibles (< 5q/ha) sur les 3 années. Cela s’explique en partie par les accidents climatiques de 2017 et 2018. Mais au-delà, cela montre que la culture de cameline est plus adaptée aux régions avec un climat plus doux, plus régulier avec des précipitations mieux réparties sur la saison.

Climat mis à part, les facteurs qui ont le plus joué sur le rendement sont probablement :

  • l’association avec une autre culture, plus ou moins défavorable selon l’espèce concernée (voir paragraphe ci-dessus).
  • la nature du terrain : encore une fois, les sols caillouteux et drainants sont plus propices,
  • la fumure de fond, permettant un bon développement de la cameline, en début de culture.

La fertilisation d’appoint, elle, ne s’avère pas pertinente car les gains obtenus ne sont pas à la hauteur des dépenses engendrées.

Sur 3 années, le meilleur rendement obtenu est monté à 10qx/ha, soit la moitié des rendements moyens observés dans l’Oise de 2017 à 2019. Ce résultat a été obtenu en combinant :

  • des parcelles très propres et drainantes ;
  • une culture seule ;
  • une irrigation d’appoint qui a peut-être eu un effet sur le remplissage du grain ou sur le microclimat de la parcelle mais qui reste à déterminer.

Concernant les taux d’extraction, les résultats ont été variables d’une année à l’autre et d’une ferme à l’autre. En 2018, les taux d’huile étaient nettement inférieurs à ceux de 2017, probablement en raison des fortes intempéries du printemps, qui ont pénalisé le rendement au champ. Sur les 3 années, la variété Tofagne semble avoir été la plus stable. D’autres éléments identifiés en 2019 ont attiré notre attention mais nécessiterait d’être confirmé sur plusieurs années :

– la récolte du grain à sur-maturité pourrait entraîner un niveau d’acidité élevé ;

– le taux en huile exceptionnel sur un lot s’explique probablement par l’utilisation de ventilation au stockage qui a permis d’éliminer rapidement l’humidité résiduelle. La diminution du taux d’humidité s’est accompagnée mécaniquement d’une augmentation du taux en huile de 35% en moyenne à 45%.

Quant à la qualité de l’huile, les apports de la thèse de M.Leclère en 2019 sur le sujet sont précieux : les taux en huile et en acide gras polyinsaturés augmentent avec la durée de remplissage du grain qui permet l’accumulation de températures moyennes (17 à 20°C). Mais au-delà d’une durée trop importante (10 à 15 jours) au-dessus de 25°C, les résultats sont clairement pénalisés.

La culture de cameline est donc une culture difficile dans les conditions pédoclimatiques du sud-est de la Drôme, qui sont à la fois rudes et variables. Il faut donc mettre en œuvre toutes les conditions nécessaires pour une levée et un développement optimal de la plante, qui permettra d’obtenir des résultats corrects sur le temps court de son cycle. Il faut ensuite récolter à maturité pour favoriser un bon rendement en huile mais pas à sur-maturité pour éviter une acidité trop importante et si cela est possible, ventiler après récolte pour diminuer rapidement le taux d’humidité et assurer un bon taux d’extraction en huile.

Dans ces conditions, le producteur peut espérer des niveaux de rendements de 10 qx/ha, avec un niveau de rémunération en huilerie autour de 1500€/T. Les revenus potentiels sont donc peu élevés mais pour un coût de mise en œuvre très faible (notamment en utilisant des semences de ferme). La cameline se révèle donc plutôt une culture d’opportunité lorsque les conditions pédoclimatiques sont au rendez-vous ou une culture de diversification lorsqu’elle est conduite en association avec d’autres cultures déjà planifiées comme sainfoin ou lentilles.

Rédaction : Samuel L’Orphelin (Agribiodrome)