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Retour d’essais paysans sur la diminution du cuivre en raisin de table – Groupe Dephy Ferme 82
Le mildiou reste une problématique majeure en raisin de table. Le cuivre, dont le traitement impacte potentiellement les sols voire la santé humain, est-il le seul moyen de lutter contre cette maladie ? Retours sur les essais en raisin de table AOP Chasselas de Moissac et Ribol, dans le département du Tarn et Garonne (82).
La matière active cuivre est réputée s’accumuler dans les sols, inhiber l’activité microbienne, et rendre le sol toxique pour les cultures. Métal lourd, le cuivre est également suspecté d’être nuisible à la santé humaine et faunistique. Il reste, malgré tout à ce jour, indispensable à la gestion de maladies cryptogamiques en vigne tel le mildiou. Dans un contexte règlementaire qui tend à se durcir, peut-on sinon exclure, au moins diminuer son utilisation ?
Les analyses présentées ici sont le fruit du travail d’un groupe Dephy Ferme – Ecophyto, de l’association Agribio du Tarn et Garonne, accompagné par le réseau Bio Occitanie. Pour anticiper la réglementation et trouver des solutions de remplacement du cuivre, le groupe a décidé de formaliser ces travaux sur la diminution des doses en production de raisin de table bio, avec des stratégies différenciées ainsi que des objectifs de production contrastés. Le projet se développe depuis 2016 et les exploitations suivies se situent à 20 km aux alentours de Moissac.
Les protocoles pleins champs ont été co-construits avec les producteurs puis appliqués et ajustés d’année en année depuis 2016. Il s’agit de tester trois programmes d’intervention en conditions naturelles : « usuel», « complexe de plantes », et « substitution ». La dynamique d’apparition des symptômes de maladie du mildiou a été mesurée par comptages, les conditions météorologiques sont suivies dans le bulletin technique bio raisin de table hebdomadaire et les observations sont réalisées sur la période d’avril à août.
Trois programmes d’intervention :
Le tableau ci-dessous récapitule les programmes choisis en fonction des objectifs de rendements et des systèmes de culture et de commercialisation.
Tableau 1. Caractéristiques et objectifs des programmes
PROGRAMME | Programme usuel producteur | Programme complexe de plante | Programmes substitutions |
Surface totale | 25 ha | 82 ha | 6.4 ha |
Surface raisin | 5,45 ha | 4,5 ha | 2.5 ha |
Objectifs de rendement en raisin | 8 t/ha à court terme,
10 t à long terme |
9 t/ha en moyenne | 6 t/ha |
Système de commercialisation | 100 % Saveurs du Quercy | Quercy =
80 % Saveurs du Quercy 20 % jus |
75 % Saveurs du Quercy
25 % vente directe |
Usuel :
Un producteur travaille sur la diminution des doses de cuivre avec des passages plus fréquents et en adaptant le volume hectare à la surface foliaire. Il aboutit actuellement à une diminution de moitié voire des 2/3 de cuivre utilisé pour le même résultat.
Complexe de plantes :
Un producteur a, dès 2016, voulu utiliser une combinaison d’extraits végétaux issus du commerce pour remplacer le cuivre mais a rapidement été amené à réintroduire du cuivre à petite dose. Son parcours amène à envisager des formes hybrides de traitement, permettant, en utilisant des compléments de lutte, et dans un programme précis, de réduire à moins de 3 KG les doses de cuivre.
Substitution :
Un producteur expérimente l’utilisation de plusieurs extraits hydro-alcooliques de végétaux (saule, tanin…) associés avec du talc, du vinaigre et des micro-doses de cuivre. Il est parvenu ainsi à diminuer de plus de la moitié ses doses de cuivres (déjà inférieures au producteur 1).
Le programme usuel est basé uniquement sur des apports optimisés de cuivre. Le programme biostimulant associe un engrais foliaire avec de faibles doses de cuivre. Le programme dit de substitution est composé de faibles doses de cuivre avec du talc, du vinaigre, et de l’extrait de pépins de raisins.
Tableau 2. Description des itinéraires et objectifs
Parcelle et protocole | Programme usuel producteur | Programme complexe de plante | Programmes substitutions |
Orientation | Sud | Nord | Sud |
Variété | Chasselas | Chasselas / Ribol | Chasselas |
Objectifs essais | Réduire doses de cuivre et augmenter le rendement de la parcelle | Diminuer les doses de cuivre | Trouver un complexe qui puisse sustenter l’utilisation du cuivre au minimum |
Leviers |
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Tableau 3. Quantité de cuivre métal utilisé à l’hectare en fonction de la pression
Année | Usuel | Complexe de plante | Substitution | Pression mildiou |
2016 Année témoin | 3,70 Kg/Ha | 6,38 Kg/Ha | Importante à très importante | |
2017 | 4,36 Kg/Ha | 3,15 Kg/Ha | 1,34 Kg/Ha | Faible |
2018 | 3,68 Kg/Ha | 2,87 Kg/Ha | 1,40 Kg/Ha | Moyenne |
2019 | 1,54 Kg/Ha | 1,88 Kg/Ha | 1,12 Kg/Ha | Faible |
2020 | 2.05 Kg/Ha | 2.01 Kg/Ha | 1.13 Kg/Ha | Importante à très importante |
Tableau 4. Détail des interventions selon les années pour maîtriser le Mildiou
Programme usuel | Programme Complexe plantes | Programme de substitution | |
Grosse pression 2016 et 2020 | 2.04 Kg/Ha
16 passages |
2.01 Kg/Ha
8 passages |
0.7 Kg/Ha
6 passages |
Pression moyenne à forte 2018 | 3.69 Kg/Ha
23 passages |
2.87 Kg/Ha
13 passages |
1.4 Kg/Ha
16 passages |
Petite à moyenne pression 2017 et 2019 | 1.54 Kg/Ha
13 passages |
1.88 Kg/Ha
14 passages |
0.66 Kg/Ha
14 passages |
Conclusion
L’année 2016 à forte pression Mildiou sert de référence.
Le producteur “Usuel” a été très prudent en 2017 et 2018 car il reprenait l’exploitation. En 2019 et 2020 il est parvenu à maîtriser le mildiou en diminuant le cuivre de 60% en 2019 (pression faible) et de 45% en 2020 (forte pression) pour une perte de 5-8% sur cette dernière année.
Le producteur “Complexe” a maîtrisé le développement de la maladie avec une diminution du cuivre métal de près de 70% en 2019 (pression faible) et en 2020 malgré la pression forte.
Le producteur en “Substitution” à maîtriser l’impact du Mildiou avec des doses encore plus faibles, proche d’1kg de cuivre métal par ha.
Tableau 5. Comparatif entre 2016 et 2020 années à forte pression mildiou :
2016 | 2020 | |
Usuel | 3.70 Kg/Ha cuivre avec 380 gram moyennes et 17 passages = mildiou NON MAITRISE | 2.045 Kg/Ha avec 130 gram moyenne et 16 passages = mildiou maîtrisé avec de la perte (- de 10%) |
Complexe de plantes | 6.38 Kg/Ha avec 250 gram moyenne et 14 passages = mildiou NON MAITRISE | 2.01 Kg/Ha avec 250 gram moyenne et 8 passages = mildiou maitrisé avec un peu de perte (- de 3%) |
Substitution | NON SUIVIS | 1.13 Kg/Ha avec 9 gram moyennes et 12 passages = mildiou maîtrisé sauf le NTS |
En année de forte pression, il a été possible de réduire le cuivre métal :
Le positionnement et l’ajustement de la dose à la pression ont montré une réduction possible de cuivre métal de 400g/ha/passage en 2016 à 100g/ha/passage en moyenne en 2020. Ces résultats pourraient être précisés dans un cadre expérimental qui permettrait notamment la répétition des modalités et l’observation de rang témoin non traité.
Présentation des produits testés :
Cuivre : C’est, à ce jour, le seul produit permettant la maîtrise de Plasmopara viticola tout au long de la période végétative. Il devrait donc figurer parmi les modalités les plus efficaces. La dose est à ajuster en fonction des conditions météorologiques et du stade phénologique, en cas de risque fort ou faible de contamination. Le cuivre, grâce aux ions Cu2+ inhibe la production de spores du pseudo-champignon.
Vitivac : Cet extrait de pépin de raisin est utilisé ici comme un fongicide contre les champignons et oomycètes.
Talc : Les caractéristiques hydrophobes du talc E553b entraînent une bonne répartition et adhérence aux tissus végétaux ce qui va limiter l’humidité, nécessaire au développement des champignons pathogènes et limiter la reconnaissance nécessaire à la croissance/germination des pathogènes hôtes spécifique.
Vinaigre : Selon Mr Serre, producteur partenaire des essais, le vinaigre servirait à équilibrer le ph de la bouillie bordelaise. C’est un vinaigre de chasselas fait par lui-même.
Complexe de plante (Supra Bosca) : complexe de plusieurs produits commercialisés par le laboratoire Biodevas, possédant chacun des propriétés différentes et complémentaires pour la vigne. Cet ensemble de produits permettrait à la plante de mieux lutter contre les stress biotiques et renforcerait l’organisme de la vigne.
Saule (Salix alba) : L’écorce est la partie de saule qui contient le plus d’acide salicylique, allant jusqu’à 11 % selon les espèces. Les extraits d’écorce de saule sont également composés de flavonoïdes et d’acides caféiques. L’acide salicylique serait impliqué dans les mécanismes de résistance aux agents pathogènes et participerait au processus de résistance systémique acquise de la plante. Dans cet essai, nous utilisons le saule sous la forme d’infusion d’écorce.
Rédigé par : Marc Miette et Sandrine Fournié, Bio Occitanie
Crédits photos : Bio Occitanie
Article initialement publié dans le n°17 du Mag’ de la conversion de avril 2021.
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