Les filières bio changent d’échelle

Publié le : 4 juillet 2016

Interview de Philippe-André Richard, gérant d’Ovogallia

La démarche initiée par Philippe-André Richard, éleveur bio à Noyal-Pontivy (56), fête ses 30 ans cette année. La société Lann Bodiguen rassemble aujourd’hui 12 éleveurs de poules pondeuses biologiques des Côtes d’Armor, du Morbihan et de Loire-Atlantique. Les fermes sont 100 % bio, l’effectif par poulailler est de 3 000 à 9 000 poules et toutes les céréales sont d’origine française. Le centre de conditionnement Ovogallia, qui commercialise les œufs dans l’Ouest et la région parisienne, entend jouer la carte de l’exigence sur le marché de l’œuf bio.

Quelle est la conjoncture depuis le début de l’année sur le marché de l’œuf bio ?

On constate actuellement une très forte demande en œufs bio. Toutes les organisations de producteurs recrutent, même celles qui s’étaient désengagées du marché il y a quelques temps. Cela change l’approche du marché au regard des années précédentes plus difficiles.

Malheureusement, la tendance de fond reste la construction de grosses unités de production et l’embellie actuelle me paraît donc conjoncturelle. Quand la consommation va de nouveau se tasser, je crains une réplique de ce qui s’est passé ces dernières années en production d’œufs bio, c’est-à-dire que les petits élevages bio présenteront moins d’intérêt au regard de certaines organisations et pourraient être condamnés à fermer.

Le manque de production actuel n’entraîne étrangement pas de hausse de prix à la consommation. Certains magasins semblent prêts à manquer de produits plutôt que d’augmenter leurs prix en rayons. Ce n’est heureusement pas le cas avec nos clients, nous sommes restés fermés sur la répercussion des hausses des matières premières sur le prix final, mais pour certains confrères la situation est plus difficile.

Dans ce contexte, comment garder la valeur ajoutée de la filière et conserver, à terme, des élevages de poules pondeuses bio de taille limitée ?

Si le développement de la filière est tel aujourd’hui, c’est simplement que le cahier des charges européen le permet. Il n’y a plus d’obligation de lien au sol… et pour l’éviter, la tendance est de créer deux structures juridiques afin de séparer la production d’œufs du reste de la ferme. De très grosses unités sortent de terre dans ce contexte. Il y a une réelle dérive de la bio, avec à terme un risque de retour de bâton important d’un point de vue médiatique. Il est donc nécessaire de modifier au plus vite possible les textes règlementaires, en apportant de nouvelles règles de production.

Quels sont les profils d’éleveurs qu’Ovogallia recherche ?

Compte tenu de nos besoins, nous étudions actuellement toutes les demandes, dans les départements où nous sommes déjà présents (22, 56 et 44), mais aussi dans d’autres zones, à étudier au cas par cas. Nous cherchons des fermes 100 % bio avant tout et des éleveurs qui ne rentrent pas dans les logiques d’augmentation des tailles d’élevages sans limites. La reconversion d’un poulailler bio peut-être assez rapide. Nous préparons également plusieurs projets de nouveaux poulaillers (installation), avec des délais un peu longs avant démarrage.

Propos recueillis par Goulven Maréchal, FRAB Bretagne, publié dans Symbiose n° 213 de juin 2016.