Essais PERSYST en maraîchage diversifié – Moins d’intrants, plus de matière organique

Publié le : 22 décembre 2021

Les premiers essais du projet Persyst-Maraîchage ont vu les jour sur 10 fermes maraichères de Bretagne et Pays-de la Loire au printemps 2020. La plateforme d’essai AB (GRAB) du lycée agricole de Suscinio à Morlaix complète ce dispositif mis en place pour 5 ans. L’occasion d’appréhender l’impact des pratiques mises en place sur des composantes essentielles des systèmes maraichers diversifiés comme la structure des sols et la teneur en matières organiques.

Essais PERSYST

Deux dispositifs cohabitent dans Persyst :

  • une plateforme d’essai près de Morlaix (Suscinio) sur laquelle 5 légumes en rotation sont étudiés chaque année, dans une approche « système »
  • 10 fermes maraichères expérimentant « pas à pas » des pratiques nouvelles, avec un approfondissement sur les conditions de travail

Trois grandes stratégies, co-construites par les maraichers participant au projet, sont actuellement expérimentées à Morlaix (cf tableau). Chacune des fermes participantes partage des objectifs plus ou moins proche de ces systèmes.

SdC référence SdC1 SdC2
Travail du sol « classique » (labour et outils rotatifs), fertilisation animale systématique avant culture Réduction du travail du sol et recherche d’autonomie en matières fertilisantes (végétales exclusivement) Pas ou peu de travail du sol, apport massif de matière organique stable en année 1

La plateforme expérimentale de Suscinio agit comme une tête de réseau, au sein duquel les pratiques sont décrites et mises en discussion dans le réseau de 10 fermes maraîchères. Cet « observatoire piloté » des pratiques des maraichers permet par ailleurs de compléter les résultats obtenus en conditions expérimentales sur les aspects pénibilité, complexité de mise en œuvre, rentabilité, temps de retour sur investissement, et de tester ces pratiques sur des légumes absent de l’essai de Suscinio.

 

Essai de Suscinio

Une teneur en matière organique correcte au départ

Pour caractériser les parcelles avant la mise en place des essais, différentes analyses des sols ont été menées sur les parcelles. Premier constat à Suscinio : la parcelle qui accueille l’essai PERSYST est relativement homogène avec une texture dominée par les limons fins, et une profondeur de sol allant de 60 à 90 cm. Même constat pour le taux de matière organique, légèrement supérieur à 3%, dominé par des matières organiques stables, dont la dégradation est lente.

Premiers résultats après un an de culture

La réponse des sols aux pratiques misent en œuvre est déjà perceptible après seulement un an, notamment sur les parcelles du SdC2 (non travail du sol et apport massif de compost de déchet vert).

PERSYST Graphe MOEssai PERSYST - résultats Suscinio

Un test de stabilité structurale (test ABSol), effectué au mois d’octobre, permet d’évaluer la capacité du sol à résister aux pluies hivernales. Les notes obtenues furent satisfaisantes pour les SdC2 et SdC1 (non utilisation d’outils rotatifs) mais dégradée pour le SdCref, montrant la plus forte sensibilité à l’érosion des sols sur ce système. Les tests bêches, effectués le même jour, confirment la tendance d’une qualité structurale satisfaisante des sols sur le SdC2 (notes >25). Ces notes sont plus variables sur les SdCref et SdC1 : la qualité structurale est alors à relier à la culture en place, avec une qualité structurale moyenne à dégradée après récolte des oignons et dans une moindre mesure après pommes de terre.

Des résultats confrontés à l’expérience des maraîchers

Les indicateurs de suivi des sols sur la plateforme de Suscinio sont aussi observés sur les fermes participantes. Ils sont complétés par des entretiens avec les maraichers. L’occasion de tempérer les résultats obtenus, d’approfondir les critères d’organisation du temps de travail et de pénibilité, et de faire ressortir des pratiques à améliorer au fil du projet.

Et c’est une originalité de Persyst, dispositif encore jamais été testé dans le réseau DEPHY : méthode et analyse des résultats progressent ensemble. Avec un objectif à terme : être en capacité de proposer des références dont on mesure le caractère transposable.

Témoignages de maraîchers

Samuel Le Viavant, GAEC Court Circuit à Sulniac (56)

L’objectif des essais réalisés sur la ferme est de diminuer les intrants et le travail de sol en mettant en place des couverts dans les cultures et en ne réalisant pas d’apports azotés, seuls les amendements calcaires sont maintenus.

En 2019 une prairie de trèfle a été semée pour un an. En 2020 le brocoli a été planté directement dans ce trèfle en ne travaillant que le rang de plantation. Cette année la pomme de terre a été plantée après destruction du couvert en place, binée et butée mais sans apport de fertilisation azotée. Un témoin est suivi en parallèle avec l’approche classiquement utilisée sur la ferme soit une fertilisation en engrais bouchons (6/4/10).

Les essais de la première année n’ont pas été concluants, les brocolis plantés dans le trèfle ont souffert de la concurrence avec le trèfle (pour les nutriments et/ou l’eau). Pour la deuxième année (2021) sur pomme de terre, il ne semble pas y avoir de différence notable entre la modalité essai et le témoin, uniquement un calibre un peu inférieur sur l’essai. Cette observation est à confirmer avec les mesures de rendement à venir.

Faire partie du programme Persyst permet de faire des tests, d’identifier les techniques qui fonctionnent ou pas, en étant encadré pour faire les essais. Ces résultats ont pour vocation d’être diffusés pour permettre à tout le monde d’en profiter et faire avancer les connaissances.

Le fait d’être plusieurs maraîchers testant différentes modalités enrichissent les échanges qui sont importants pour gagner en résilience sur nos fermes.

Témoignage de Germain Mahéo, ferme du Hingair à Kervignac (56)

L’objectif des essais suivis sur la ferme est de savoir si mes pratiques agricoles sont durables et cohérentes par rapport aux pratiques passées.

Sous serre une planche de culture est suivie en non travail de sol et en fertilisation à base de luzerne. L’objectif est d’augmenter le taux de matière organique du sol pour favoriser sa biodiversité et avoir en réponse des cultures saines et productives. En 2020 il y avait une culture d’épinard et en 2021 une culture de tomate.

A vue d’œil cette technique permet d’avoir un sol hyper structuré, plutôt meuble qui retient mieux l’eau et sert d’abris à plus de faune et champignons du sol. Le point négatif de cette technique est le temps d’épandage de la luzerne qui se fait à la main.

L’intérêt du suivi dans le cadre du projet permet de comptabiliser précisément le temps de travail, rendement, les différentes interventions réalisées sur la culture, d’avoir un suivi de la minéralisation et de savoir très concrètement si ce qu’on fait vaut le coup. Il permet également de pointer des problématiques que l’on n’aurait pas décelées autrement.

Le fait d’être plusieurs fermes dans le projet permet de comparer avec d’autres modalités pour se situer avec d’autres pratiques agricoles en termes de fertilisation, vie biologique du sol, temps de travail, rendement…

Pour aller plus loin

Article rédigé par Antonin LE CAMPION, FRAB Bretagne et paru dans la revue SYMBIOSE n°271 en octobre 2021