Créer son verger bio : ça se prépare !

Publié le : 11 février 2022

La demande en fruits bio ne cesse de progresser en Bretagne et l’offre n’est actuellement pas suffisante. En 2018, environ 1350 ha étaient cultivés en fruits bio dont 60 % en pommes (frais & transformation) soit +13 % en 2018*. Mais produire des fruits bio ne s’improvise pas et il convient de bien préparer son projet et d’être vigilant sur un certain nombre de points.  Ce métier demande de la technicité (surtout pour la vente en frais) et la production de fruits est fortement impactée par le dérèglement climatique.  Alors voici des pistes de réflexion et points d’attention pour un verger durable.

* Chiffres observatoire FRAB 2018

 

Bien définir ses objectifs et priorités

Un arbre, ce n’est pas comme un légume, on le plante pour plusieurs années alors posons-nous les bonnes questions. S’agit-il ?

– d’un atelier principal sur lequel la ferme se repose économiquement. Le principal enjeu sera d’assurer une production durable et régulière afin de se dégager un revenu.

– d’une diversification de la production dans le cadre d’une production secondaire. Dans ce cas, la charge de travail devra être compatible pour certaines périodes de l’année.

Globalement on peut distinguer 3 typologies de verger en Bretagne :

– Production de fruits frais avec des arbres généralement palissés et de taille moyenne pour faciliter les interventions (éclaircissage, récolte manuelle…). L’enjeux est de produire des fruits de qualité de manière régulière. Ce type de production est très technique et demande beaucoup de soins (gestion du gel, de l’alternance, des bioagresseurs…)

Fruits pour la transformation (jus, cidre, compote…). Sans faire de généralités, les arbres sont souvent conduits en demi ou haute-tige et la récolte est souvent mécanisée. Cela demande moins d’interventions et moins de main d’œuvre que pour la production de le fruit frais.

Verger diversifié composé de multiples espèces : fruits à pépins, noyaux, fruits rouges…  Dans ce cas il faut être en mesure de maitriser les itinéraires techniques des différentes espèces et gérer la charge de travail à certaines périodes.

Verger de pommiers « à couteau » – Feins (35)

Verger de pommiers pour la transformation – La Bouëxière (35)

Verger multi-espèces – Moulins (35)

Les pré-requis pour une production durable

La recherche de foncier n’est pas toujours chose aisée… mais un environnement adapté est primordial pour assurer une production régulière et durable. Il convient donc de s’intéresser au sol et à l’environnement du futur verger.

Observer son sol

               Pour se développer convenablement, les racines ont besoin d’air, d’eau et de nutriments !

D’une manière générale, les sols hydromorphes et asphyxiants doivent être évités. Dans l’idéal, on cherchera des sols profonds avec une bonne capacité de rétention en eau. La présence de quelques cailloux ne sera pas un frein au développement des arbres et limiteront les tassements éventuels. En excès, ils pourront ralentir le développement des racines et réduire la réserve hydrique du sol. Réaliser des profils de sol est indispensable pour comprendre son sol. « Une analyse de sol est essentielle pour réaliser les amendements nécessaires » : témoigne Erwan RAUDE, arboriculteur à Nouvoitou (35). Les caractéristiques de sol doivent également être intégrées dans la réflexion sur le choix des outils.

La topographie & environnement  

               Le dérèglement climatique se fait déjà sentir en Bretagne. Les hivers semblent de plus en plus doux provoquant un démarrage précoce des arbres au printemps. A cette période, les risques de gel sont toujours présents et il n’est plus rare de constater des changements brutaux de température comme en témoigne le printemps dernier. On évitera les parcelles en fond de vallée où l’air circule peu accentuant le risque de gel. Une légère pente avec une exposition ensoleillée sont les conditions optimales. « J’ai fait l’erreur de planter mes kiwis dans une parcelle avec une pente importante et plutôt en bas fond. Ces lianes sont très sensibles au gel de printemps et à la sécheresse car leur système racinaire est superficiel » indique Erwan.

Il sera également nécessaire de se protéger des vents dominants du sud-ouest en Bretagne et nombreux arboriculteurs plantent des haies pour protéger leurs arbres.

 

Anticiper l’accès à l’eau

               Des étés de plus en plus longs est secs, c’est visiblement ce qui nous attend dans les prochaines années. L’eau est indispensable pour assurer une bonne reprise et une bonne croissance des jeunes arbres qui porteront les futurs fruits. Les apports permettront d’atteindre des rendements meilleurs avec des calibres de fruits plus importants (récolte plus facile…) C’est d’autant plus vrai si votre sol dispose d’une faible capacité de rétention en eau. A titre très indicatif (cela dépend des espèces, du contexte pédoclimatique, des années…), un verger de pommiers « à couteau » situé dans le Nord de l’Ille-et-Vilaine a besoin de 800 à 1000 m3/ha.

Nombreux vergers sont équipés de systèmes goutte-à-goutte pour optimiser les apports en eau. Au-delà du système d’irrigation, l’eau par aspersion peut être utile pour lutter contre le gel.

 

Choix porte-greffe / variétés

               Il convient de sélectionner le porte-greffe le plus adapté en fonction de son sol, de la conduite souhaitée et cela aura des conséquences sur la rapidité de mise à fruits et la durée de vie des arbres. Il convient de s’assurer auprès de son pépiniériste de la compatibilité du couple porte-greffe/variété. Voici les principaux porte-greffes utilisés de quelques espèces fruitières.

@Agrobio35

 

Le choix variétal se repose sur leur rusticité globale et les débouchés ciblés. Hervé DELESTRE conseille de sélectionner des variétés éprouvées où les risques sont limités. La vigilance s’impose pour les variétés nouvelles (<10ans) pour lesquelles le recul n’est pas suffisant notamment en bio. Le changement climatique doit être intégré dans le choix variétal (gels tardifs, pression plus importante des bioagresseurs, problème de conservation à cause de la chaleur en été…). Ne faudrait-il pas privilégier les variétés à floraison tardive sur les parcelles les plus à risques ?

Anticiper la plantation

               La plantation doit être anticipée au moins un an à l’avance. L’objectif étant de créer des conditions optimales pour la plantation et faciliter le développement racinaire des arbres en implantant un couvert végétal sur au moins une année. Il est possible de se procurer des mélanges spécifiques du commerce.  L’objectif est d’ameublir le sol et limiter le développement des adventices. « C’est loin d’être une année de perdue ! on s’y retrouve par la suite ! » témoigne Hervé DELESTRE, arboriculteur à Bruz (35). L’apport de fumure de fond est essentiel pour nourrir les arbres. C’est le moment également pour apporter des amendements complémentaires (calcique…) en fonction des résultats de votre analyse de sol.

Ne pas négliger la qualité des plants qui doivent avoir des systèmes racinaires puissants pour un bon départ.

 

Mais comment identifier un plant de qualité ?

  • Scion bien droit, exempt de blessure et de chancre
  • Bonne soudure entre le porte-greffe et le greffon
  • Bonne vigueur
  • Chevelu racinaire bien fourni
  • Bonne disposition des branches charpentières (pour les arbres pré-formés) et plutôt disposées en arêtes de poisson.

 

Il peut être judicieux de se déplacer dans la pépinière pour s’assurer de leur qualité. Soyez prévoyants, les plants se commandent un an à l’avance auprès de votre pépiniériste.

 

 

Les 3 premières années : une période clé !

Assurer un bon développement de vos arbres sur les premières années est crucial. C’est une période où les jeunes arbres demandent du soin. Si les arbres peinent à s’installer, on peut craindre un retard dans la mise à fruits, des rendements affectés…

La principale difficulté est la gestion de l’herbe sur le rang, très concurrentielle notamment pour des jeunes arbres Le paillage (principalement organique ou plastique) est surtout utilisé en préventif. En curative, ce sont surtout des outils de travail de sol (houe rotative à axe vertical, rotavator déporté…)  ou de tonte (brosse, tondeuse satellite…) qui sont principalement utilisés en gardant à l’esprit que les arbres sont fragiles et pas encore bien ancrés dans le sol.

Vibroculteur muni de l’outil DECAVATIC pour travailler sur le rang

 

Bien alimenter les jeunes arbres en eau nécessite d’avoir un système d’irrigation opérationnel rapidement. « Installé depuis environ 5 ans, j’ai été impacté par les dernières sécheresses. Mon système d’irrigation n’était pas opérationnel et j’ai dû arroser à la main. C’est fatiguant et très chronophage ! c’est important de faire ce type d’investissement dès le début !» souligne Erwan.

Se garder du temps pour observer les arbres et s’auto-former à la gestion du verger, se familiariser avec les outils, la reconnaissance et la compréhension des bioagresseurs… C’est une erreur de penser que les arbres demandent peu de soin sur cette période même s’ils ne sont pas encore productifs !» recommande Hervé.

Ne pas hésiter à se faire accompagner techniquement les trois premières années pour limiter les déboires par la suite. Il est également essentiel de se faire entourer d’arboriculteurs référents pour échanger et avoir leurs retours d’expérience.

Force est de constater que les références techniques en arboriculture sont limitées dans notre région. Depuis peu, Agrobio 35 dispose d’un groupe d’un dizaine d’arboriculteurs travaillant principalement sur la biodiversité fonctionnelle. Ne pas hésiter à se rapprocher de vos GAB pour en savoir plus !

 

 

Rédigé par : AgrobioBretagne

Crédits photos et infographies : AgrobioBretagne

Article initialement publié dans le Symbiose n°42.