Que faire en cas de contamination par dérive ?

Publié le : 18 janvier 2021

Le présent kit donne des outils concrets aux producteur-rices bio pour obtenir une indemnisation en cas contamination par dérive de pesticides.

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CAS 1 : C'EST VOUS QUI CONSTATEZ LA DERIVE

Vous pouvez constater visuellement une dérive de deux manières :

  1. « En direct », c’est-à-dire que vous êtes témoin de la dérive.
  2. A posteriori : vous identifiez la contamination par les effets qu’elle a sur votre culture (jaunissement…). Il ne peut s’agir alors que d’une contamination par désherbant, les insecticides et fongicides ne laissant pas de trace visible sur les cultures.

Dans ces deux cas de figure, il est nécessaire de réagir rapidement et méthodiquement pour pouvoir établir le lien entre la contamination et la pulvérisation effectuée par le voisin et en cas de déclassement, obtenir une indemnisation.

Nous avons divisé la marche à suivre en 3 phases. Ces dernières doivent se succéder rapidement si vous souhaitez obtenir une indemnisation. Il est important de noter que les démarches sont grandement facilitées si vous bénéficiez de la garantie protection juridique dans le cadre de votre contrat d’assurance.

Conseils :

Votre organisme certificateur (OC), déterminera si le produit doit être déclassé ou non, sur la base de son analyse de la situation. Si votre organisme certificateur déclare qu’il ne peut pas se prononcer rapidement, nous vous conseillons d’entreprendre les premières étapes de la phase 2.

Si vous bénéficiez de la garantie « protection juridique » votre assureur jouera un rôle clé dans le règlement de la situation.

Une fois que vous lui aurez exposé le problème, votre assureur va contacter l’assureur de votre voisin pour procéder à une expertise contradictoire. Il va chercher à établir la responsabilité de votre voisin, sur la base d’une enquête sur le terrain. A l’inverse, l’assurance de la partie adverse va chercher à minimiser la responsabilité de son client. L’assurance peut couvrir les frais d’analyse de laboratoire ou d’huissier.

Conseils :

Pour contacter votre voisin un modèle d’argumentaire est disponible en cliquant ici>>.

Si le voisin reconnaît sa responsabilité, il est important qu’il le fasse par un écrit signé, décrivant très précisément l’étendue de sa responsabilité, pour éviter qu’il ne se rétracte par la suite. Les informations qui doivent apparaître dans le document écrit fourni par le voisin sont les suivantes :

  • Dates de la pulvérisation
  • Produit pulvérisé
  • Localisation des parcelles sur lesquelles il y a eu la dérive
  • Nombre de rangs sur lesquels il y a eu la dérive

Si votre voisin ne reconnaît pas son tort, nous vous invitons à passer à la phase 3.

IMPORTANT

Si vous bénéficiez de la garantie « protection juridique » dans le cadre de votre contrat d’assurance, les étapes ci-dessous seront menées par l’assureur et prises en charge.

Si vous ne bénéficiez pas de la protection juridique ou que cette dernière ne vous couvre que partiellement, nous vous invitons à enregistrer chaque dépense engagée dans la procédure (frais d’analyse, d’huissiers, etc.) et les justificatifs (factures acquittées…), ainsi que le temps consacré. Cela vous permettra, si vous obtenez gain de cause, d’obtenir un remboursement de tous ces frais.

 

Conseils :

Le recours à un huissier coûte entre 300€ et 600€. Il est nécessaire que l’huissier soit présent pour le prélèvement des échantillons à analyser.

Tout au long de la procédure, il est important de ne pas « personnaliser » le conflit. Autrement dit, vous n’en voulez pas à votre voisin, mais vous demandez réparation pour un préjudice subi. Si la situation se transforme en conflit de voisinage, cela risque de desservir la crédibilité de votre démarche.

Le dépôt de plainte ouvre une phase contentieuse, qui sera tranchée par un juge. Nous vous conseillons dans ce cas de solliciter les services d’un avocat. Il est néanmoins important de noter que le temps de procédure pour un contentieux de ce type est de 2 à 5 ans

En plus de votre assurance, d’autres instances sont à même de vous soutenir dans vos démarches.

  • D’autres voisins (riverain-es ou agriculteur-rices) sont peut-être concernés par la dérive. Nous vous conseillons de les contacter pour leur faire part de votre démarche, pour savoir s’ils seraient prêts à témoigner de leur préjudice
  • Si vous ne disposez pas de garantie protection juridique, il peut être intéressant de contacter un-e expert-e agricole et foncier. Ce dernier peut vous aider à définir objectivement le litige et à mesurer le préjudice. Il peut aussi proposer de rédiger un accord amiable avec votre voisin. Cependant les services d’un-e  expert-e agricole sont payants. Il convient donc d’inclure les frais engagés dans la demande d’indemnisation adressée au voisin.
  • Garant du respect de la réglementation sur les pesticides, les services de l’Etat peuvent également vous apporter un soutien et diligenter un contrôle chez le voisin.
  • La procédure décrite ci-dessus peut être longue et éprouvante. N’hésitez pas à contacter le groupement d’agriculture biologique de votre département ou de votre région pour bénéficier de son soutien.
    Cliquez ici>> pour prendre contact avec votre Groupement d’agriculture biologique régional

 

CAS 2 : VOTRE ORGANISME CERTIFICATEUR IDENTIFIE UN RÉSIDU DE PESTICIDE SUR VOS PRODUITS

Les organismes certificateurs (OC) ont l’obligation de procéder chaque année à des analyses de résidus de pesticides sur au moins 5% des producteur-rices certifié-es bio. Si l’analyse relève la présence d’un produit interdit en bio, l’OC doit procéder à une enquête pour déterminer l’origine de la contamination. Deux cas de figure se présentent alors :

  1. L’enquête montre que la contamination provient d’une fraude du-de la producteur-rice bio, ou de l’absence de mesures de protections suffisantes contre les contaminations extérieures.
    • Dans ce cas l’OC sanctionne (déclassement du lot, ou de la parcelle. Dans les cas de fraude, le retrait de la certification peut également être prononcé).
  2. L’enquête montre que le-la  producteur-rice a mis en oeuvre des mesures pour se protéger, mais que la contamination a malgré tout eu lieu, sans qu’il puisse l’empêcher.
    • Dans ce cas l’OC peut maintenir la certification.

Si le taux de résidu détecté dépasse un certain niveau, l’OC peut également être amené à bloquer les lots concernés en attendant les résultats de son enquête.

Pour en savoir plus, lire la stratégie analytique commune des organismes certificateurs  sur le site de l’INAO.

Si vous jugez que vous avez mis en oeuvre suffisamment de mesures pour éviter les contaminations, il est nécessaire de les exposer à votre organisme certificateur, afin que ce dernier les prenne en compte dans son enquête. Les mesures à mettre en oeuvre sont listées dans le kit « comment réduire le risque de contamination ».

Certains contextes rendent difficile la mise en oeuvre de toutes les mesures. Par exemple, l’échange de parcelles ou l’implantation de haies sera plus difficilement envisageable en contexte de viticole qu’en contexte de grandes cultures.

Nous vous invitons à mettre également ces éléments de contexte en avant dans votre échange avec l’OC.

Si, malgré les garanties apportées, l’OC déclasse le lot ou la parcelle, vous devez vous tourner vers votre voisin pour trouver une solution d’indemnisation :

  • Soit le voisin reconnaît par écrit qu’il est responsable de la contamination et accepte de vous indemniser (sur ses fonds ou via sa responsabilité civile).
  • Soit il ne reconnaît pas sa responsabilité, ce qui vous oblige à engager des démarches pour être indemnisé-e. Ces démarches sont décrites dans la Phase 3 du précédent chapitre.

Dans ce cas de figure, la principale difficulté vient du fait que le déclassement intervient longtemps après la contamination elle-même. Cela complique grandement la recherche de « preuves » permettant d’établir la responsabilité du voisin.

Un travail est actuellement mené avec le Ministère de l’agriculture pour simplifier le recours à une indemnisation dans ce genre de cas de figure.

ANNEXES

Lorsque vous souhaitez réaliser une analyse de résidus de pesticides, certaines précautions doivent être prises afin d’obtenir un résultat qui reflète réellement l’état de votre culture.

Vous devez suivre un protocole strict pour collecter un échantillon représentatif. La première règle consiste à prélever plusieurs fruits ou plantes de la culture au hasard (par exemple en suivant un trajet en Z dans la parcelle). Afin d’obtenir un échantillon représentatif, il vous faudra effectuer entre 5 et 10 prélèvements (cela dépend de la culture). Ces prélèvements seront mélangés pour obtenir un échantillon représentatif de la zone de prélèvement. L’échantillon global doit être compris entre 100 g et 1 kg (ex : 5 à 10 pommes pour 1kg d’échantillon ou 5 bottes de persil frais pour 500g d’échantillon).

Nous vous conseillons d’effectuer d’une part des prélèvements provenant de la zone présumée contaminée, et d’autre part des prélèvements d’une zone présumée non-contaminée, pour mettre en lumière le phénomène de dérive.

Si vous n’avez pas les moyens de procéder à 2 analyses, nous vous conseillons de procéder aux prélèvements seulement sur la zone présumée contaminée.

Vous devez également éviter les contaminations lors de l’échantillonnage : les gants en latex peuvent contenir des dithiocarbamates (préférez les gants en vinyle ou nitrile) ou les sacs en papier qui peuvent être traités avec des fongicides.

Pensez à réaliser votre échantillonnage en présence d’un huissier de justice qui pourra authentifier le lieu et la date de votre prise d’échantillon.

Après avoir collecté votre échantillon représentatif, vous devrez choisir l’analyse qui en sera faite. Différentes méthodes d’analyse sont disponibles. Certaines méthodes (que l’on appelle «screening») permettent de quantifier rapidement et en une fois un grand nombre de molécules. Plus vous recherchez de molécules, plus vous augmentez vos chances d’en trouver.

Cependant certaines substances requièrent un screening spécifique (la méthode est alors appelée mono-résidu) ; c’est le cas des dithiocarbamates ou encore du glyphosate. Il est donc primordial d’essayer d’identifier en amont les pesticides susceptibles d’avoir atteint votre culture.

Le choix du laboratoire est important, certains sont plus spécialisés que d’autres et pourront donc répondre plus ou moins bien à vos besoins. Privilégiez les laboratoires accrédites NF EN ISO/IEC 17025 pour les analyses choisies. Seuls les laboratoires accrédités COFRAC produisent des analyses ayant une valeur juridique. Nous vous invitons à vous renseigner en amont auprès du laboratoire sollicité. Vous pouvez également demander à votre organisme certificateur de vous communiquer le nom des laboratoires auquel il a recours.

Comptez entre 150€ et 300€ par analyse.

Si vous réalisez des analyses dans l’optique d’obtenir une indemnisation, pensez à les réaliser en présence d’huissiers.

La réglementation impose que « les produits ne peuvent être utilisés que si le vent a un degré d’intensité inférieur ou égal à 3 sur l’échelle de Beaufort ». Autrement dit, aucun produit ne peut être pulvérisé si la vitesse du vent est supérieure à 19km/h.

Cependant, même si le producteur a respecté cette règle, il est responsable si son produit dérive sur vos parcelles. Connaitre l’orientation du vent à la date de la contamination est donc un élément important pour établir la responsabilité du voisin.

Pour connaître l’intensité et l’orientation du vent à une date précise vous pouvez aller :

Cependant, des retours d’expérience nous montrent que la présentation des bulletins météos ne sont pas toujours suffisants parce que trop imprécis pour les besoins d’un dossier de contentieux.

La présence d’une manche à air (si vous prenez des photos), ou d’un anémomètre (outil enregistrant la vitesse du vent)  est donc une meilleure garantie. Cependant, ces outils sont parfois très onéreux.

La mise en place de dispositifs de prise en charge des ce genre d’investissement est à l’étude.